Pour ceux qui n’étaient pas là il y a un an et qui s’engouffrent dans la rue Saint-Michel, difficile de s’imaginer ce qu’il s’est passé en octobre 2023 au n°21, dans l’ex bar Le Sedanais. Les scellés ont été enlevés et les voitures continuent à stationner devant l’ancien débit de boissons malgré l’inscription sur la porte et le fait que l’immeuble soit inhabité.

Pourtant, pour les commerçants du secteur, il est encore difficile de passer à autre chose.

« Comment peut-on oublier, quand on se trouve dans la même rue ? », nous répond Selçuk Kaval, le gérant du Dervich kebab, situé au 26, rue Saint-Michel, dont le restaurant fait face au bar le Sedanais. Le restaurateur connaissait la fillette disparue, ainsi que ses frères et ses parents. « On les voyait souvent passer dans la rue. Ils vivaient à côté d’ici. C’étaient aussi des clients », confie Selçuk, encore marqué par le meurtre de Loana.

« J’ai aussi les clients qui m’en parlent. Ils veulent savoir si on a des nouvelles des frères de Loana. Parce que ces mêmes clients, en passant devant ce bar, forcément y pensent. » Selçuk reconnaît que lui-même y pense constamment. « C’est vrai que je suis encore choqué. Quand je vois que je ne suis pas capable de me garer devant, ça me dégoûte trop. Avant, quand il n’y avait pas de place, je me garais là. »

La peur s’est installée depuis ce qui s’est passé dans cette maison des horreurs
Sofiane Beddiaf, responsable de Tutto Pasta

« Mon fils ne passe plus dans cette rue, pour rentrer à la maison. D’une manière, il est encore marqué. En même temps, il connaissait Loana et ses frères. Il jouait avec eux devant le restaurant », raconte Sofiane Beddiaf, le responsable de Tutto Pasta, qui se souvient que la fratrie aimait se retrouver devant son établissement sur la place Crussy pour y jouer.

« Avant le drame, nous avions beaucoup d’enfants du centre ancien qui aimaient venir jouer ici. Mais aujourd’hui, les parents ne les laissent plus seuls comme avant. La peur s’est installée depuis ce qui s’est passé dans cette maison des horreurs », appuie Sofiane.

Et d’ajouter : « On pensait que ça n’arrivait que chez les autres, on a bien vu que ce n’est pas vrai. En plus, ça s’est passé à côté de chez nous, c’est arrivé à une enfant qu’on connaissait. »

« Ça fait mal au cœur pour ces pauvres gamins »

Salvador, que nous rencontrons en train de descendre la rue Saint-Michel, essaie d’aller de l’avant et de « continuer à vivre malgré tout ». Un peu plus loin, devant le hashtag des lettres de Sedan, Mathieu, accompagné de ses deux fillettes confie que « le temps a fait les choses et qu’on y pense moins », reconnaissant qu’avec des filles de l’âge de Loana, il s’est senti encore plus touché.

Pour Christophe, qui habite à 200 mètres du bar Le Sedanais, le traumatisme du drame n’est pas parti. « Ça me fout les boules, ça fait encore une mauvaise image de la ville », s’indigne-t-il. Son amie Virginie qui l’accompagne, poursuit et complète : « Je ne me sens pas en sécurité quand je quitte le soir à 20 heures. »

Marie-Thérèse, croisée en pleine marche, partage l’avis de Virginie : « Je me dépêche de rentrer maintenant, à partir d’une certaine heure, on ne sort plus. » Cette grand-mère se sent particulièrement touchée par ce drame : « J’ai déjà croisé Loana et ses frères, ça fait mal au cœur pour ces pauvres gamins. J’ai une petite-fille de l’âge de Loana, bien sûr que ça me touche toujours. Malheureusement, on n’y pense plus sinon on n’avance pas. Il faut sortir pour s’aérer, c’est pour ça que je marche. »

Mort de Loana : un an après, les Sedanais sont toujours meurtris

Par Laura Ludet et Housnat Salim