Si vous voyez un volcan en éruption: fuyez. Sauf en Islande, où l’on fait tout le contraire – on s’en approche. La lave et les cendres ont pourtant saccagé le pays à de nombreuses reprises. Syndrome de Stockholm? La réponse avec une famille qui vit au pied du volcan le plus admiré et redouté de l’île: Hekla, la «porte des enfers», qui pourrait bien avoir inspiré Tolkien.

Sous un ciel sans nuages qui donne à cette journée d’automne une saveur irréelle, une piste criblée de nids de poule succède à la route d’asphalte noir que nous suivons. Droit devant, un dôme monumental, couronné d’un glacier. De vieilles coulées de lave ondulent autour des flancs de la montagne comme des serpents couverts de mousse. Il suffirait d’un rien pour les mettre en mouvement.

Nous avons déserté l’emblématique route 1 qui entoure l’Islande, ses glaciers et ses volcans, délimitant la zone bien nommée les hautes terres. Cette frontière est souvent ensevelie sous les cendres, la neige, et des rivières glaciaires en crue. Pour s’enfoncer à l’intérieur, mieux vaut s’équiper de patience, et d’un 4x4.

A ma surprise, la piste redevient goudronnée après quinze kilomètres. Peut-être pour permettre aux habitants tout proches de fuir plus vite. Je n’ai pas le loisir d’échafauder cette théorie, car nous arrivons à la ferme de Selsund – l’une des plus proches d’Hekla d’après le GPS. Björk, établie au pied du volcan depuis quatre générations avec sa famille, nous attend comme prévu, son chien de berger auprès d’elle.

Une belle montagne, rien de plus?

La cinquantaine bien entamée, Björk a les pommettes hautes, des cheveux courts, un corps robuste qu’on sent habitué au grand air. La première fois que nous avons fait connaissance, à la station-service du coin, Hekla était pour elle «une belle montagne, rien de plus». Et c’est depuis sa ferme qu’on a la plus belle vue sur la montagne, aucun doute là-dessus.

Sur place, une centaine de moutons jouit effectivement d’un paysage splendide. Peu de nuisance sonore ici, si ce n’est les grondements annonciateurs qui, environ tous les dix ans, ouvrent un bal explosif. Voilà vingt ans pourtant que Hekla, l’un des volcans les plus actifs d’Islande, est restée silencieuse. Autant dire que la prochaine éruption est surveillée de près, et qu’elle s’annonce tonique.

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La dernière éruption de Hekla date de 2000. Vue sur le nuage de cendres, le matin du 27 février 2000. | Keystone / NF Morgunbladid / Sigurgeir Jonasson

Helka est bien connue pour plusieurs éruptions meurtrières. En 1104, ses cendres recouvrent la moitié du pays, un carnage qui lui vaut le surnom peu engageant de «porte des enfers». A partir de là, plusieurs moines cisterciens s’assureront d’entretenir sa très mauvaise réputation. Elle entre à nouveau en fureur en l’an 1300, une année pleine d’activité, qui fait 500 victimes.

En 1947, un nuage de cendres venu de ses entrailles atteint même l’Angleterre: le détail n’échappe pas à Tolkien, alors en pleine rédaction des derniers chapitres du Seigneur des Anneaux. L’écrivain possédait chez lui un tirage d’une photo célèbre du volcan en éruption, et l’on dit – ce n’est qu’une hypothèse, en l’absence de source définitive – que le volcan aurait inspiré le célèbre Mont Destin où fut jeté l’Anneau unique de la trilogie.

Fous de volcans

La sympathie des Islandais pour leurs volcans reste assez récente: en atteste la popularité du prénom féminin Hekla, quasi inexistant il y a vingt ans, mais qui a commencé à émerger après la dernière éruption, en février 2000. «Après la prochaine éruption, c’est sûr qu’on aura une nouvelle vague de petites filles nommées Hekla!», plaisante Björk à demi. Que s’est-il bien passé pour que leur vieux bourreau se retrouve acquitté sans autre forme de procès?

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