Le président élu Donald Trump multiplie les annonces sur son prochain gouvernement, en attendant son investiture le 20 janvier 2025. Beaucoup anticipaient des candidats de haute voltige, mais ces nominations, qui doivent encore être validées par le Sénat, dépassent toutes les attentes.
Cet article a été publié le 15 novembre 2024 dans notre newsletter d’actualité quotidienne Le Point du jour. Rendez-vous ici pour vous y abonner.
Passeront, passeront pas? Le président-élu devra obtenir l’assentiment de la Chambre haute pour valider l’intronisation de certains candidats à son futur cabinet. Une étape requise par la Constitution, à moins qu’il ne puisse procéder à une nomination par vacance. Cette dispense spéciale permet au président de contourner le Parlement quand il ne se réunit pas. Il en a d’ailleurs fait la demande. Mais il n’est pas certain que la requête aboutisse: la Cour suprême avait limité cette pratique en 2014, estimant qu’Obama avait abusé du processus.
Reste la question de l’éligibilité de ces singuliers nominés. La liste laisse songeur. Si les élus se caractérisent tous par leur loyauté sans faille pour Donald Trump, nombre d’entre eux ont également accumulé les inimitiés à Washington – notamment Matt Gaetz. D’autres se distinguent par un manque d’expérience pour le moins ahurissant, traînent d’encombrantes casseroles ou affichent des positions surprenantes, à même de leur mettre leur dicastère sur le dos. Si le Sénat met leur candidature aux voix, Donald Trump aura vraiment de quoi tester sa mainmise sur son parti. En voici la liste exhaustive.
Le teigneux: Matt Gaetz, procureur général des Etats-Unis
Amateur de baston politique, ce richissime fils à papa ne montre que peu d’intérêt pour les grisouilles mécanismes de la gouvernance. Il s’est notamment fait connaître en évinçant en 2023 le président de la Chambre des représentants, son collègue de parti Kevin McCarthy, après une fronde épique. Jusqu’à son départ du Parlement mercredi, il était sous enquête d’un comité d’éthique du Congrès pour avoir possiblement requis les services d’une prostituée mineure.
Le tatoué: Pete Hegseth, secrétaire à la Défense
Présentateur à Fox News et vétéran de la guerre en Irak et en Afghanistan, sans aucune expérience, ni comme entrepreneur, ni au gouvernement, il pourrait se retrouver à la tête du gigantesque département de la Défense – 1,3 million de militaires en service actif et 750’000 civils. Il porte des tatouages associés à la droite nationaliste et a lancé plusieurs appels publics afin de gracier des soldats américains condamnés pour crime de guerre.
Little Marco: Marco Rubio, secrétaire d’Etat
Plus expérimenté et proche du sérail que la plupart des nominés, sa candidature suscite relativement peu de controverses. Ce sénateur de la Floride est partisan d’une ligne dure avec la Chine, comme le futur président et comme, à vrai dire, à peu près tout le monde à Washington. Par contre, il a prudemment rétropédalé sur ses positions à propos de la Russie, contre laquelle il appelait à des sanctions. Opposé à lui pendant les primaires républicaines de 2016, Trump l’avait alors affublé du sobriquet de «Little Marco».
La canicide: Kristi Noem, secrétaire à la Sécurité intérieure
La gouverneure du Dakota du Sud devrait jouer un rôle majeur pour concrétiser les promesses de Trump, son département étant responsable des questions d’immigration et de sécurité aux frontières. Elle est interdite de séjour dans les réserves indiennes de son Etat, pour avoir accusé sans preuve les autorités tribales de profiter du trafic de stupéfiants. Elle figurait en favorite comme colistière de Trump à la vice-présidence jusqu’à ce qu’elle raconte, dans une autobiographie truffée de mensonges et de semi-vérités, avoir occis un chiot indiscipliné avec une arme à feu.
Le consensuel: John Ratcliffe, directeur de la CIA
Il s’agit peut-être de l’une des nominations les moins discutées. John Ratcliffe connaît bien Donald Trump pour avoir officié à ses côtés comme directeur des services de renseignement. Dans ces fonctions, il a toutefois résisté à quelques requêtes du président, notamment en refusant de déclassifier des documents confidentiels. Cette modeste marque d’indépendance pourrait le rendre plus facilement éligible par le Sénat.
L’agent double: Tulsi Gabbard, directrice des services de renseignement
Cette ex-démocrate reconvertie au républicanisme trumpien, amatrice de yoga et de spiritualité indienne, aurait la tâche de briefer le président sur les affaires de renseignement. Ce qui fâche, surtout à ce poste, c’est sa proximité au moins idéologique avec la Russie de Poutine. Tulsi Gabbard a plusieurs fois relayé la propagande du Kremlin, notamment des accusations selon lesquelles les Etats-Unis financeraient des laboratoires d’armes biologiques en Ukraine. Souvent citée par l’agence de presse nationale russe RT, promue par de suspectes armées de robots sur les réseaux sociaux, elle n’est membre du Parti républicain que depuis un mois.
Le fossoyeur: Lee Zeldin, administrateur de l’Agence de protection de l’environnement
Trump, qui a fait campagne en fustigeant les régulations de l’Agence, lui confie la concrétisation de l’une de ses plus importantes promesses: le détricotage de la politique environnementale fédérale. Ancien parlementaire de l’Etat de New York à Washington, Lee Zeldin a critiqué les interdictions locales de la fracturation hydraulique et lancé un appel à la construction de pipelines gaziers. S’il n’a jamais exprimé le fond de sa pensée sur le changement climatique, il a mis en doute la sévérité du problème dans une interview datée, il est vrai, de 2014.
La convertie: Elise Stefanik, ambassadrice des Etats-Unis à l’ONU
Cette députée de l’Etat de New York était une modérée avant de se découvrir une passion aussi soudaine que vocale pour Donald Trump. Elle a acquis sa notoriété publique en passant sur le grill les présidentes de Harvard et de UPenn pour leur gestion des manifestations consécutives au 7 octobre 2023 et à la guerre à Gaza. Ces deux dernières ne s’en sont d’ailleurs jamais remises. Sans expérience en politique étrangère, cette partisane inconditionnelle d’Israël aura la charge de représenter les intérêts américains au siège des Nations unies.
Le conspi: Robert F. Kennedy Jr, secrétaire au Département de la Santé et des Services sociaux
Il a dénoncé les effets cancérogènes du Wi-Fi, attribué les fusillades dans les écoles aux antidépresseurs, prétendu que la pollution de l’eau pourrait rendre les enfants transgenres et suggéré que le sida pourrait n’être pas dû au VIH (oui…). Et bien sûr, il voue les vaccins aux gémonies. Une opinion plus que marginale dans les cénacles de la santé publique. Trump l’aurait notamment chargé de débarrasser les agences sanitaires de leur corruption et de mettre un terme à «l’épidémie de maladies chroniques» avec des répercussions mesurables dans deux ans. On demande à voir.
Le milliardaire cost-killer: Elon Musk
A noter enfin que certains élus au cabinet Trump n’auront pas à passer devant les sénateurs. C’est par exemple le cas d’Elon Musk et de Vivek Ramaswamy, qui se verront confier le tout nouveau et tout à fait inofficiel «département de l’efficacité gouvernementale» – acronymé DOGE, semble-t-il en référence à la cryptomonnaie fétiche du fondateur de Tesla. C’est donc l’opportunité, pour le patron de SpaceX, de participer au gouvernement tout en restant à la tête de son empire industriel déjà tentaculaire et très arrosé de commandes publiques. Au point où on en est.
Le vote n’offre pas seulement de la matière à désespoir pour les défenseurs du climat et de la nature, rapporte le site américain Grist, spécialisé dans l’environnement. Parallèlement à la présidentielle, plusieurs Etats organisaient des scrutins locaux sur l’environnement. Au Minnesota, qui a voté Trump, les citoyens ont massivement approuvé un amendement de la Constitution pour octroyer 40% des revenus de la loterie d’Etat à des fonds de conservation de la nature. Pour sa part, la Louisiane, Etat farouchement conservateur, a aussi modifié sa Constitution pour que les revenus issus des énergies renouvelables offshore soient dédiés à la restauration des écosystèmes côtiers.