L’engagement de Wassyl Slipak et de ses compagnons de lutte n’est pas si aisé à comprendre, vu d’Europe de l’Ouest. Que signifie être nationaliste quand on est ukrainien et qu’on entend résister à la Russie? Pour comprendre ce qui se joue, l’autrice rencontre le politologue Philippe de Lara, qui a rencontré le chanteur lyrique en 2014, peu avant son départ pour le front.

Nuits du 19 au 21 février 2014. Dans un chaos de fumée noire, de barricades et de jets de pavés, les berkout – les sinistres forces de police anti-émeute ukrainiennes, héritées de l’époque soviétique – tirent à balles réelles sur les manifestants de la place Maïdan. Il y a 82 morts et plus de 600 blessés. C’est un choc dans tout le pays et au-delà. Le président Ianoukovitch, proche de Vladimir Poutine, fuit la capitale. Pour les pro-Maïdan, cette victoire a le goût du sang. Peu après, à Paris, une manifestation se tient place des Invalides, près de l’Assemblée nationale. Il pleut, l’ambiance est triste. Wassyl est là, qui chante l’hymne ukrainien avec une petite foule. Philippe de Lara est là. Il découvre le colosse et l’observe de loin. Devenir son ami prendra du temps mais déjà, il est intrigué.

Pour moi aussi, rencontrer Philippe de Lara a été un projet de longue haleine. Son emploi du temps est chargé d’un tas de choses personnelles et professionnelles. Je lui ai donc écrit plusieurs mails pendant des mois en m’excusant d’insister mais en insistant quand même. Je voulais absolument lui parler car c’est un peu grâce, ou à cause de lui, que je m’intéresse tant à Wassyl.

Le patriotisme sans l’extrême droite

Juste après que Gaston m’a parlé de Wassyl Slipak dans sa brûlerie de café, je suis tombée sur une tribune de Philippe de Lara, maître de conférence en philosophie et sciences politiques à l’Université Panthéon-Assas, publiée dans le journal Libération. Sur son ami, il disait ceci: «J’ai compris depuis longtemps et écrit que les ‘nationalistes ukrainiens’ n’avaient rien à voir avec les fachos, avec l’extrême droite, que le drapeau rouge et noir n’était pas plus fasciste et xénophobe que la Résistance française n’était monarchiste ou communiste, bien qu’il y ait eu des résistants monarchistes et communistes. Mais c’est au contact de Wassyl que je l’ai éprouvé intimement.»

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