Si vous ne croyez qu'à la médecine pure et dure des médicaments et des instruments de pointe, passez votre chemin. Cet épisode explore des mondes parallèles, dans lesquels évoluait peut-être Violeta Parra. La musicienne se disait Mapuche, ce peuple indigène, et aurait possédé quelques pouvoirs peu fréquents pouvant expliquer ses crises de colère durant ses concerts.

Le don de la chamane Rosa Barbosa, chez qui je viens de passer trois jours, s’est révélé à ses 12 ans, mais elle m’explique être devenue machi, c’est-à-dire une cheffe spirituelle mapuche, qu’après son divorce. La famille de son mari était chilienne et refusait la culture indigène de leur bru. Des discriminations qui perdurent à leur encontre: la société chilienne les considère encore comme des êtres inférieurs.

«Enfant, je voyais les maladies des gens qui rendaient visite à mes parents. Je comprenais leur âme, leur souffrance, sans qu’on échange un mot. Mes parents, conscients de ce don, m’ont inscrite dans un internat catholique où je devais garder mon secret. Ils ne voulaient pas que je sois discriminée en tant que mapuche et encore moins en tant que sorcière. Aujourd’hui, je m’assume et je m’affiche avec fierté dans ma tenue traditionnelle.»

Quatre feuilles de cannelle

Mariée à 17 ans, elle aura deux enfants. Elle cache son pouvoir à son mari durant treize ans. Jusqu’au jour où elle se retrouve hospitalisée, sans cause précise. «J’ai compris que si je ne soignais pas les autres, je resterais malade.» Elle sort de l’hôpital avec quatre feuilles de cannelle à la main. «Je me suis adressée aux esprits de la nature et de la terre et leur ai dit que j’étais prête: je vais faire ce que vous voulez.» Depuis, elle n’a plus jamais été souffrante.

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Deux militantes mapuches sont libérées en février 2013, après avoir été arrêtées lors d'affrontements avec la police et détenues pendant une journée à Collipulli, au Chili. (AP Photo/Rodrigo Abd)
Lors de ses consultations, Rosa Barbosa élève par le chant l’aura du patient pour le nettoyer. La musique soigne. Il n’est pas question ici de paroles précises ou de poésie, mais d’incantations. Je comprends dès lors pourquoi Violeta Parra n’a ni retransmis, ni compilé les chants de sa machi. Les mots et intonations s’improvisent in situ. Rosa ferme les yeux et se connecte à son monde invisible, celui de l’ailleurs, de l’au-delà, du monde parallèle: «En ce qui concerne Violeta Parra, elle a reçu son don de la nature à laquelle elle était très connectée. Elle était guidée lorsqu’elle réalisait ses tapisseries. Les machis l’ont aidée à réveiller le pouvoir qui dormait en elle. Sur scène, elle aspirait l’énergie mauvaise de la société par le prisme de la poésie et de la chanson, et la transmutait.»

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Remercier l’herbe sur laquelle on marche

Ceci explique cela: j’ai lu à plusieurs reprises que Violeta était connue pour ses accès de colère lors de ses concerts. Elle interrompait sa musique quand le public ne l’écoutait pas. Je pensais au début à un ego surdimensionné. Que nenni, ses chansons soignent l’âme et il fallait être réceptif pour recevoir son offrande. «Quant à Gracias a la vida, les paroles sont basées sur la gratitude. Nous autres, chamanes, ne cessons de remercier la nature et d’inviter les humains à faire pareil. Remercier l’eau que l’on boit, l’herbe sur laquelle on marche, l’oiseau qui chante, l’animal qu’on mange et qui a donné sa vie pour nous, etc

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