Craignant d'être fortement touchés par les coupes annoncées le 27 août par Tamedia, les journalistes de la Tribune de Genève ont voulu faire paraître un encart dans leur journal ce matin, alors qu'ils vont débrayer durant une heure en signe de protestation. L'éditeur zurichois a refusé d'imprimer le texte que voici.
Ce texte aurait dû paraître dans la Tribune de Genève sous forme d’encart publicitaire afin d’expliquer pourquoi ses employés ont décidé de débrayer jeudi matin [12 septembre]. Sa parution a été interdite par un éditeur qui oublie la valeur de l’information et l’impact des réseaux sociaux. Quel paradoxe!
**Un tiers des forces perdu en dix ans** Qu’à cela ne tienne! Les employés de la *Tribune de Genève* débrayent en ce jour pour manifester leurs craintes quant à l’avenir de leur journal. Nous estimons que les restructurations annoncées le menacent. Et pour cause: la direction a annoncé la suppression de 200 postes dans les imprimeries, et son intention de biffer 90 postes équivalents temps plein dans les rédactions. **Lire aussi:** [Tamedia Papers: une histoire de famille, d’argent, de pouvoir et de médias](https://www.heidi.news/explorations/tamedia-papers/tamedia-papers-une-histoire-de-famille-d-argent-de-pouvoir-et-de-medias) La *Tribune de Genève* est particulièrement menacée. D’importantes coupes signifieraient son dysfonctionnement, et, à terme, son démantèlement. Il faut être clair, nous arrivons à l’os. La *Tribune de Genève* sort d’une longue série de restructurations, notamment en 2016, 2018, 2023 qui se sont traduites par des pertes d’emploi constantes et une nouvelle saignée entraînerait un affaiblissement de notre couverture d’information. En dix ans, nous avons déjà perdu environ un tiers de nos forces. **Les décisions erratiques de l’éditeur** C’est le dos au mur que nous nous battons tous les jours pour assurer la survie de notre titre et le respect du contrat d’information qui nous lie à vous. Comment imaginer maintenir notre couverture après une nouvelle réduction des effectifs? Elle ne pourra que conduire à une diminution du suivi des affaires politiques, judiciaires, culturelles et sociales de ce canton. > Au nom de quoi, la presse audiovisuelle privée et publique suisse pourrait-elle être soutenue et pas la presse écrite? Personne n’est l’unique responsable de ce lent naufrage, qui est aussi celui d’autres journaux. Une chose est sûre, il n’est pas lié à votre désaffection! Jamais notre lectorat sur internet ou sur papier n’a été aussi important; il n’est pas lié non plus à un retard dans la transition numérique, la moitié de nos abonnés sont passés à l’abonnement numérique. Non, nos difficultés sont liées à une érosion de la publicité, désormais captée par des annonceurs mondiaux. Les décisions erratiques de notre éditeur, qui a sorti les secteurs les plus rentables, celui des annonces de notre périmètre comptable, ou qui a livré gratuitement notre contenu aux réseaux pendant des années, est aussi en cause. **Inverser la tendance, c’est possible** Faut-il s’y résigner? Non. Il est possible d’inverser la tendance si chacun prend ses responsabilités: notre éditeur en investissant enfin sérieusement dans ses titres, comme le font de grands journaux étrangers, y compris régionaux; les pouvoirs publics en cessant de regarder passer les trains: au nom de quoi, la presse audiovisuelle privée et publique suisse pourrait-elle être soutenue et pas la presse écrite? Au nom de quoi l’État canadien négocie-t-il une rétrocession de cent millions avec Google pour aider la presse et pas la Suisse? L’évaporation de la presse est un désastre. Aux Etats-Unis, frappés avant nous, les déserts médiatiques ont engendré une hausse de la corruption et des mauvaises pratiques et un affaiblissement de l’esprit public. Il en irait de même à Genève où la sensibilité locale aurait un espace de moins pour se faire connaître. *La Rédaction de la Tribune de Genève*