Dans les années 1990, l’hormone GLP-1 est identifiée et son potentiel bien établi. Mais de la paillasse à la pharmacie, il y a cette fameuse Vallée de la mort, où échouent la plupart des médicaments candidats. Comment Novo Nordisk a-t-il franchi ce fossé, grâce à quoi il engrange désormais les milliards comme s'il en pleuvait? Grâce à l'étonnante ténacité de quelques visionnaires, qui ont tenu bon dans la tempête.
Sur les traces du miracle Ozempic, le blockbuster de Novo Nordisk en train de bouleverser le marché des coupe-faims et de faire pleuvoir les milliards, j’ai d’abord fait escale à Kalundborg, petite ville où se trouve l’usine de production géante du fleuron danois de la pharma. Me voici désormais à Copenhague, pour y rencontrer Mads Krogsgaard Thomsen, président de la Novo Nordisk Foundation, la fondation qui contrôle le laboratoire.
Avant de présider la fondation la plus riche du monde, Mads a été directeur scientifique de Novo Nordisk. Il est l’un des acteurs clés de la saga ayant abouti à la mise sur le marché du liraglutide (Saxenda/Victoza), le premier analogue de GLP-1 du géant danois, homologué en 2009, qui sera suivi par le sémaglutide (Ozempic/Wegovy) et sa valse de milliards.
Ce qui se conçoit bien s’énonce clairement, écrivait Boileau. A cette aune, Mads Krogsgaard Thomsen se révèle rapidement un vulgarisateur hors pair. Il a aussi à l’évidence le charisme nécessaire pour naviguer dans les étages supérieurs d’une multinationale et imposer des projets. Car avec GLP-1, rien n’est allé de soi. Sans le flair et la sueur de quelques scientifiques convaincus, il est clair que jamais le liraglutide n’aurait franchi la Vallée de la mort, comme on surnomme le fossé qui sépare une molécule prometteuse d’un médicament homologué.
«J’ai commencé en mai 1993 en tant que chef de l’oncologie dans la division soin du diabète», commence-t-il par raconter. «Le premier jour, je fais la connaissance de Lotte Knudsen. Cette jeune chimiste me montre le preprint (manuscrit final avant parution, ndlr.) d’un article qui, dit-elle, va sortir rapidement. L’étude montre qu’en utilisant une pompe à insuline pour injecter du GLP-1 en continu chez des patients diabétiques, leur niveau de glucose est complètement normalisé.»
Cet article scientifique, nous l’avons déjà rencontré. C’est celui qui rapporte les résultats de l’essai clinique mené par Michael Nauck dans les montagnes du Hartz en Allemagne, avec les GLP-1 naturels extraits par Jens Holst à l’Université de Copenhague (voir épisode 4). Nous n’avons toutefois pas encore rencontré Lotte Bjerre Knudsen. C’est le moment de faire les présentations.
Cette chimiste de formation est qualifiée de «chien de terrier scientifique» par Mads Tang Christensen – une façon de reconnaître à la fois son flair et sa ténacité. Au sein de Novo Nordisk, Lotte Knudsen a joué un rôle central dans le développement des analogues de GLP-1.
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