Pour évaluer la présence de cocaïne dans les bars et boites de nuit des stations de ski de Haute-Savoie, notre journaliste a sorti ses lingettes magiques, qui tournent au cyan en présence de drogue. Et devinez quoi? La Terre est bleue comme une orange… Les saisonniers nagent dans la poudreuse et les dealers semblent tout sauf terrifiés. Quant aux forces de l’ordre, elles multiplient les contrôles et disent faire au mieux, sans trop convaincre. Manque de moyens, ou de volonté politique?
Au contact de la cocaïne, elles virent au bleu. En regardant le chef cuisinier Gordon Ramsay tester la présence de stupéfiants dans ses restaurants, j’ai eu une idée: et si je commandais des lingettes spéciales pour vérifier par moi-même la présence de cocaïne dans les bars des stations de ski?
Le paquet est arrivé dans ma boîte aux lettres. A l’intérieur, une dizaine de ces précieuses lingettes. Blanches tirant sur le rose, elles se colorent de cyan en entrant en contact avec une surface présentant des traces de cocaïne. Ce samedi 30 décembre 2023, je me suis donc baladée dans deux stations de ski des Alpes de Haute-Savoie, lingettes à la main. Dans les toilettes de bars et de discothèques, j’ai testé les éviers, les distributeurs de papier toilette, les luminaires, les distributeurs de savon, les renfoncements des murs, ou même les cuvettes de WC… Comme Gordon Ramsay, j’aurais voulu crier:
«Regardez cette couleur! Ce bleu! On dirait qu’on l'a trempée dans la cocaïne»
Hélas, la discrétion était de mise. Sur une demi-douzaine d’endroits testés, seul un WC pour femme d’un bar s’est avéré négatif. Les dix autres lingettes utilisées se sont toutes teintées d’un beau bleu bien marqué. J’ai réitéré le jeudi 7 mars 2024, en passant dans de nouveaux bars, et dans ceux déjà testés deux mois plus tôt. Même procédure, même constat. Quel que soit le mois, le jour, ou l’heure (tests réalisés entre 23h et 3h du matin), il y avait de la coke partout.
Pour avoir autant de poudreuse, il faut beaucoup de petites mains. Le moins qu’on puisse dire, c’est que les dealers n’ont pas l’air tétanisés par la peur. Ils s’affichent même sur les réseaux sociaux, comme cet homme qui fait sa réclame sur un groupe d’entraide entre saisonniers des Portes du Soleil (l’orthographe est d’origine): «Hello a tous, pour tout ceux qui ont besoin de se détendre après vos grosse journée de boulot tout est disponible, télégramme ou pv !(Cbd/champi…)» Certes, le CBD est légal et les champignons de Paris aussi, mais les points de suspension ne laissent que peu de mystère sur la nature des autres substances proposées. Publiée le 14 décembre 2023, l’annonce est toujours en ligne.
Dans chaque station de ski alpine, qu’elle soit petite et familiale, riche et huppée, sportive ou festive, on estime qu’il y a au moins une dizaine de «revendeurs», comme les policiers municipaux aiment les nommer. Un saisonnier des Portes du Soleil confirme qu’il n’a aucune difficulté à se procurer sa drogue quotidienne, même hors saison. «Dans ma station, j’avais trois ou quatre contacts qui pouvaient me fournir dans l’heure, raconte-t-il. Si vraiment je ne trouvais pas, j’allais dans la station à côté. Et sinon, je prenais la bagnole et descendais à Annemasse.» La ville frontalière est depuis longtemps une plaque tournante du trafic de drogue entre la France et la Suisse, aux mains notamment de réseaux albanais.
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