La vie festive dans les stations de ski engloutit parfois une grosse partie du salaire des travailleurs de la montagne. Les dealers ne font pas de crédit, mais les bars tiennent des ardoises. Certains saisonniers, criblés de dettes, doivent prolonger leur saison sans salaire, pour rembourser. D’autres prennent la poudre... d’escampette.

Demandez à des saisonniers toxicomanes pourquoi ils le sont, et vous recevrez sans doute une de ces deux réponses: le rythme de travail effréné, ou le fait qu’ils ont été pris par l’ambiance festive des stations. Il y a pourtant d’autres raisons: la facilité de procurer tout type de drogue sur place, l’effet de groupe, la banalisation de la cocaïne, les parcours de vie parfois difficiles, les fragilités psychologiques, un début de consommation très jeune de drogues douces, l’isolement et l’éloignement d’avec leurs proches, la vie dans des logements minuscules ou vétustes, l’adaptation difficile chaque saison à un nouveau lieu de vie et de travail, le manque d’accès aux soins, l’impunité face aux actes criminels ou violents ou les patrons laxistes – voire qui encouragent parfois la consommation…

Mais une chose est sûre: sans les bons salaires de ce type d’emploi, les pourboires pour ceux qui travaillent dans la restauration et la possibilité d’être logé et nourri par leurs employeurs, ce mode de vie serait impossible. Car la drogue coûte cher et les dealers ne font, en général, pas de crédit.

La kétamine, drogue du pauvre

Pour s’approvisionner, rien de plus simple, même quand on est fraîchement arrivé en station. Il y a le bouche-à-oreille, les réseaux sociaux et les barmans du coin, qui sont nombreux à se plaindre du nombre de fois où ils ont été questionnés à ce sujet. Les tarifs varient aussi. A Crans Montana et à Verbier, la cocaïne est vendue aux saisonniers entre 90 et 100 francs suisses le gramme, elle peut monter jusqu’à 120 à 150 francs pour les touristes. Le cannabis est plus accessible, entre 5 et 10 euros le gramme, mais peut monter jusqu’à 13 ou 17 euros pendant certaines semaines de février où la demande est plus forte et l’approvisionnement plus compliqué. Lorsque la coke devient trop chère, ou que le consommateur cherche une expérience nouvelle, il se rabat sur la kétamine qui est cinq à dix fois moins chère que la cocaïne. Mais elle est beaucoup plus imprévisible.

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«C’est devenu très problématique» estime le Dr Zullino, chef du Service d’addictologie aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG). «On constate une claire augmentation de la consommation de kétamine depuis trois ou quatre ans». Un effet secondaire ne trompe pas: «Les consommateurs de kétamine ont régulièrement des inflammations de la vessie», poursuit le docteur.

3000 euros en coke et en alcool

Marin (prénom modifié), saisonnier à Verbier, voit ses collègues et ses proches se ruiner au quotidien pour se procurer tout type de psychotropes. «Au bout de deux ou trois mois de boulot, ils s’aperçoivent qu’ils ont passé une bonne partie de leur salaire là-dedans». Un constat partagé par Noam (prénom modifié), interrogé dans un épisode précédent. Il travaille à Crans Montana depuis 20 ans et s’interroge sur la capacité de vivre décemment en dépensant autant pour s’acheter de la drogue. «L’assurance maladie, c’est entre 250 et 350 francs par mois. La voiture coûte cher et le loyer est déduit de nos fiches de paie. Je ne comprends pas comment on peut dépenser 100 à 200 francs par semaine pour de la coke en plus de tous ces frais».

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