En 2020, les forces armées ont été un rempart contre le projet de Donald Trump de se maintenir coûte que coûte à la Maison-Blanche. En cas de second mandat, une des grandes priorités de son équipe serait de prendre le contrôle de l’armée. Le projet est ambitieux mais loin d'être hors de portée.
Si Donald Trump remporte les prochaines élections, il essaiera de transformer les forces armées en une garde prétorienne fidèle à sa personne plutôt qu’à la Constitution américaine. Et ce sera sans doute l’un des projets prioritaires de sa nouvelle administration.
Non que la tâche soit foncièrement aisée. Je donne des cours à des officiers au Naval War College depuis 25 ans et je sais d’expérience que l’immense majorité des militaires américains sont des professionnels et des patriotes. L’ancien président a aussi eu l’occasion de se rendre compte qu’il ne pouvait pas utiliser «ses généraux» comme s’ils étaient de simples employés d’hôtel de la famille Trump.
Mais Donald Trump et son entourage ont appris de cette expérience. Lors du précédent mandat, ils ont essayé de mettre la main sur le département de la Défense en y envoyant toute sorte d’huluberlus et de larbins. Mais cette tentative est intervenue trop tardivement pour leur permettre d’avoir un contrôle politique total. Lents et désorganisés, le président et ses conseillers ont payé leur manque de familiarité avec les coulisses de Washington. Le courage et le professionnalisme des officiers et des hauts fonctionnaires en charge de l’armée ont aussi participé à les tenir en échec.
Trump nourrit aujourd’hui une profonde rancœur à l’encontre de ceux qui, au sein du département de la Défense, se sont opposés à ses impulsions autocratiques et illégales – comme lorsqu’il avait demandé la tête du président syrien Bashar Al-Assad en 2017, ou voulu déployer l’armée contre ses propres citoyens au plus fort du mouvement Black Lives Matter.
L’homme qui empêcha un coup d’Etat
Mais c’est sa réélection manquée en 2020 qui, bien entendu, focalise la rage de Trump. Le général Mark Milley, alors chef d’état-major, était bien déterminé à tenir l’armée éloignée des manigances du camp Trump pour garder la Maison-Blanche. Il s’est notamment opposé au plan délirant, proposé par le lieutenant-général en retraite Michael Flynn, d’ordonner à l’armée de s’emparer des machines de vote et des urnes dans les Etats pivots…
Donald Trump a depuis suggéré que Mark Milley méritait la peine de mort pour son refus d’obéir. Quant à l’intéressé, il pense qu’une nouvelle administration Trump essaiera de l’envoyer derrière les barreaux, lui et d’autres hauts responsables de la sécurité nationale, ce qu’ont confirmé l’ancien secrétaire à la Défense Mark Esper et l’ancien directeur du renseignement national James Clapper.
En cas de second mandat, Trump donnerait libre cours à ses instincts combinés d’autoprotection et de vengeance. Il chercherait à rendre la monnaie de sa pièce au corps des hauts gradés qu’il estime coupable de trahison, mais aussi à briser l’armée, une des rares institutions à pouvoir s’opposer à ses tentatives de s’affranchir de la Constitution et de l’Etat de droit.
En public, Trump se présente comme un défenseur inconditionnel de l'armée. Ce n'est qu'une mascarade: il n'a aucun respect pour les militaires et le service. Il adore l'apparat, les défilés, les saluts militaires, et qu’on donne du «chef» à ses supérieurs. Mais comme l’a déclaré en 2023 John Kelly, général de marine en retraite et ancien chef d'état-major de Trump, celui-ci «est incapable de comprendre les gens qui veulent agir honorablement au service de leur nation». En privé, rapporte-t-il, l’ancien président a qualifié les soldats américains morts au combat de «losers» et de «nazes». Il a aussi déclaré que les soldats blessés offraient un spectacle dégoûtant, à bannir des parades militaires.
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