ÉDITORIAL. Les Européens luttent pour éviter un accord sur l’Ukraine favorable à la Russie. C’est en allant directement à la Maison-Blanche que le président français espère mieux défendre les intérêts du continent. Les chances de succès de l’initiative restent fragiles, mais une nouvelle dynamique s’est enclenchée

Ecartés, snobés, boudés? Depuis le coup de fil entre Donald Trump et Vladimir Poutine, les dirigeants européens font grise mine. Ils tentent désespérément de se hisser à la table des négociations sur l’Ukraine lancées par Washington et Moscou. Mais face aux violentes attaques du locataire de la Maison-Blanche contre Volodymyr Zelensky, à ses foucades, à son imprévisibilité et à ses menaces lancées sur d’autres fronts, il y a de quoi perdre la tête.

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Faut-il résister en haussant le ton? Tenter au contraire d’arrondir les angles, de chercher des compromis? Les Européens se sont adonnés, ces derniers jours, à un frénétique ballet diplomatique. Un peu à la façon d’un pantin désarticulé. De manière désordonnée. Réunions urgentes convoquées par Emmanuel Macron, hésitations bruxelloises, incertitudes allemandes, un premier ministre britannique qui entre dans la danse, un leader souverainiste hongrois qui joue la carte de la zizanie… Là aussi, il y avait de quoi perdre la tête. L’Europe n’arrive pas à afficher un front uni. Elle est livrée à elle-même, avec un allié américain qui n’en est plus un, contrainte à un brusque et douloureux réveil pour muscler sa défense et assurer sa propre sécurité.

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Une nouvelle dynamique européenne est pourtant en train de se dessiner. Reçu lundi à la Maison-Blanche, Emmanuel Macron n’a pas péché par opportunisme ou volonté de tirer la couverture à lui: le président français s’est affiché en porte-parole des Européens, membres de l’UE ou de l’OTAN. Il s’est entretenu ces jours avec ses collègues, multipliant les consultations. Y compris avec le Hongrois Viktor Orban, hostile à tout soutien à l’Ukraine.

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Bien sûr, en cherchant à confronter Donald Trump à son choix de trahir l’Ukraine et de tourner le dos aux Européens, en le défiant sur les nouveaux rapports de force qu’il induit faisant fi de toutes valeurs morales, Emmanuel Macron a pris des risques: celui d’être ignoré ou humilié. Le fait est que, malgré le contexte défavorable, les contacts transatlantiques se multiplient. Ce mardi, la cheffe de la diplomatie de l’UE s’envole pour Washington. Jeudi, c’est au tour du premier ministre britannique.

L’UE et le Royaume-Uni ont par ailleurs des leviers: les sanctions contre Moscou. Pas question de les lever si un accord «injuste», qui reviendrait à une capitulation de l’Ukraine, est scellé. Deuxième levier: les garanties de sécurité. Des pays européens sont prêts à envoyer des troupes pour surveiller l’application d’un éventuel cessez-le-feu. Mais pas sans une implication américaine.

Alors l’Europe ressemble peut-être à un frêle roseau dans une forêt de robustes chênes. Mais comme dans la fable de La Fontaine, pour l’instant, face aux forts vents contraires, elle plie mais ne rompt pas. Elle résiste.

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