Les deux frères natifs de Montpellier, stars des Jeux olympiques de Paris, jouaient ce week-end à Montreux le Top 16 européen de tennis de table. Surchauffe en tribunes abondamment garnies de Français, d’autant que l’aîné Alexis a remporté le tournoi

Ils sont venus de Roanne, dans la Loire. Robin, le père, Loan le fils âgé de 11 ans, fan absolu de Félix et Alexis Lebrun. Robin raconte: «En décembre, ils ont joué chez nous avec leur équipe de Nîmes-Montpellier. J’ai loupé le coche, les 5000 places sont parties en quelques heures. Mon fils m’en a voulu. Quand j’ai su qu’ils jouaient en Suisse, j’ai réservé très en avance deux places pour le samedi. On a décollé ce matin à 6h.» Les yeux de Loan brillent et ce n’est pas seulement à cause du manque de sommeil. Salle du Pierrier à Montreux. Les meilleurs joueurs et joueuses du continent sont réunis dans le cadre du Top 16 européen. Les quarts de finale ce samedi 22 février, les demies et la finale le dimanche.

Gradins combles, 2000 spectateurs dont Loan qui tour à tour a vu jouer Alexis Lebrun, 21 ans, champion d’Europe, 10e mondial, et son frère Félix, 18 ans, médaille de bronze aux JO de Paris et 5e mondial. Loan dit: «Ils sont vraiment cool, ils font des vidéos marrantes. L’autre jour, leur coach a engueulé sévère Alexis pendant un match à Singapour parce qu’il jouait mal, le soir Alexis a balancé une vidéo où on le voit en train d’obliger son coach à faire des pompes. Ça a fait le buzz.»

Le pongiste français Félix Lebrun signe des autographes aux fans venus voir une session d'entrainement lors du CCB Europe Top 16 Cup de Montreux, jeudi 20 février 2025. (© Gabriel Monnet) © Gabriel Monnet pour Le Temps — © Gabriel Monnet pour Le Temps
Le pongiste français Félix Lebrun signe des autographes aux fans venus voir une session d'entrainement lors du CCB Europe Top 16 Cup de Montreux, jeudi 20 février 2025. (© Gabriel Monnet) © Gabriel Monnet pour Le Temps — © Gabriel Monnet pour Le Temps

Surnommés les «frères lunettes» par les Chinois et les Japonais qui les adulent, Félix et Alexis, numéros un mondiaux en double, ont dépoussiéré le tennis de table. Ce week-end, on est venu de Franche-Comté, de Bourgogne, d’Auvergne-Rhônes-Alpes et même de Strasbourg voir les redhead («les «rouquins», un autre surnom sur le circuit) taper la balle. C’est qu’en France, ils se font rares. Ils écument les grands tournois type grand chelem au tennis: Dubaï, Doha, Goa, Singapour, Corée, Japon, Chine. Se frotter le plus souvent possible aux Chinois qui trustent les premières places mondiales. L’objectif de Félix et d’Alexis est de devenir numéro un en individuel. «Peu importe lequel du moment que c’est un Lebrun mais ce serait mieux si c’était moi», aime à dire le duo.

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Un effet aussi en Suisse

Alain Koenig, le vice-président de Swiss Table Tennis, précise: «Chez nous, le ping pong est confidentiel, on recense 5400 licenciés, mais il y a un effet Lebrun depuis les JO. De nouveaux licenciés poussent la porte des clubs. Et pour la première fois à Montreux, on est à guichets fermés et le public est aussi Suisse. Et surtout, des chaînes comme Eurosport et l’Equipe TV diffusent le tournoi en direct, la RTS et Léman Bleu aussi. Un important média chinois a également retransmis les rencontres du week-end, ça aussi c’est nouveau.»

Les frères pongistes français Félix et Alexis Lebrun à l'entrainement lors du CCB Europe Top 16 Cup de Montreux, jeudi 20 février 2025. (© Gabriel Monnet) © Gabriel Monnet pour Le Temps — © Gabriel Monnet pour Le Temps
Les frères pongistes français Félix et Alexis Lebrun à l'entrainement lors du CCB Europe Top 16 Cup de Montreux, jeudi 20 février 2025. (© Gabriel Monnet) © Gabriel Monnet pour Le Temps — © Gabriel Monnet pour Le Temps

Le phénomène Lebrun submerge les clubs français, qui doivent pousser les murs pour accueillir (ou refuser faute de place) les nouveaux joueurs, très jeunes pour la plupart. Une moyenne de 35% d’augmentation des effectifs depuis les Jeux de Paris, selon la Fédération française de tennis de table qui revendique 230 000 licenciés. Ce sport nerveux et spectaculaire cocherait toutes les cases d’une époque qui aime que ça aille vite et où les temps d’attention diminuent. Pour rappel, un match excède rarement les trente minutes. La popularité des frères fait le reste.

Ils sont sympas, simples, abordables. «La notoriété ne les a pas changés mais ils sont vraiment très sollicités. Quand ils sortent, ils enlèvent parfois leurs lunettes et enfilent une casquette pour passer inaperçus», confie la Morgienne Rachel Moret, numéro un suisse qui évolue en Pro A au sein de l’équipe féminine de Nîmes-Montpellier et les côtoie donc en club. Elle poursuit: «Un jour, on a joué, garçons et filles, notre match de championnat à la même heure dans la même salle, il y avait 2000 spectateurs. Cinq jours plus tard, je jouais avec les filles à Poitiers, il y avait 50 personnes.»

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Les Lebrun, c’est aussi un clan, les parents, les sœurs, le staff. Signe des temps, la tribu s’est un peu refermée et contrôle sa communication. En 2024 à Montreux, Dominique, la maman, papotait en toute simplicité, confiant par exemple au Temps qu’elle espérait que Félix passe son baccalauréat après les Jeux olympiques et qu’il atteigne vite sa majorité pour en finir avec les très complexes autorisations de sortie de territoire. Un an plus tard, la presse est tenue à distance et on a resserré les rangs. Finie la (brève) dilettante. Car les garçons vus sur scène avec Les Enfoirés pour les Restos du Cœur ou au Parc des Princes aux côtés de Jamel Debbouze et Patrick Bruel se seraient un peu dispersés. Le cadet a, en ce début d’année, des résultats en dents de scie. Illustration ce samedi avec son élimination en quart de finale par Patrick Franziska, 8e joueur mondial.

Les frères pongistes français Félix et Alexis Lebrun à l'entrainement lors du CCB Europe Top 16 Cup de Montreux, jeudi 20 février 2025. (© Gabriel Monnet) © Gabriel Monnet pour Le Temps — © Gabriel Monnet pour Le Temps
Les frères pongistes français Félix et Alexis Lebrun à l'entrainement lors du CCB Europe Top 16 Cup de Montreux, jeudi 20 février 2025. (© Gabriel Monnet) © Gabriel Monnet pour Le Temps — © Gabriel Monnet pour Le Temps

Une «Marseillaise» pour finir

Alexis a vengé son petit frère en écartant l’Allemand en demi-finale dimanche midi. Dans les tribunes, le Haut-Savoyard Arnaud Nicolazzi, conseiller financier dans le civil, qui fut fan leader des Lebrun aux JO, ambianceur officiel donc, a tout prévu pour chauffer la salle: visages peinturlurés, perruques tricolores, le mégaphone, les iconiques grosses têtes (portraits XXL en carton) rendus populaires à Paris et un tifo à l’effigie des Lebrun déployé juste avant la finale.

«Je suis un passionné de ping pong depuis longtemps, je joue au club d’Ambilly, raconte le très volubile Arnaud. Je suis les Lebrun depuis qu’on parle d’eux, je me déplace en France mais aussi par exemple en Allemagne quand Nîmes-Montpellier joue en Coupe d’Europe. Je suis en train de fonder le fan-club officiel des Lebrun. Je les ai rencontrés plusieurs fois mais j’ai un rêve à encore réaliser: échanger deux ou trois balles avec eux. On est en train d’arranger ça.»

Le pongiste français Félix Lebrun à l'entrainement lors du CCB Europe Top 16 Cup de Montreux, jeudi 20 février 2025. (© Gabriel Monnet) © Gabriel Monnet pour Le Temps — © Gabriel Monnet pour Le Temps
Le pongiste français Félix Lebrun à l'entrainement lors du CCB Europe Top 16 Cup de Montreux, jeudi 20 février 2025. (© Gabriel Monnet) © Gabriel Monnet pour Le Temps — © Gabriel Monnet pour Le Temps
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Sur les coups de 15h30 ce dimanche, Arnaud Nicolazzi entonnait la Marseillaise dans une salle du Pierrier surchauffée et devenue terre française. Opposé au Slovène Darko Jorgic, 13e joueur mondial et triple tenant du titre, Alexis Lebrun venait de l’emporter trois sets à un. Chez les féminines, victoire de l’Allemande Ying Han face à la Roumaine Elizabeta Samara. Passée jeudi par les éliminatoires, Rachel Moret a été écartée au second tour par l’Allemande Sabine Winter, future demi-finaliste. La Morgienne devrait vite rallier Montpellier où le clan Lebrun a prévu cette semaine de fêter «joyeusement» le titre.

Pendant ce temps, dans le tournoi

La pongiste suisse Rachel Moret en action. — © Gabriel Monnet pour Le Temps
La pongiste suisse Rachel Moret en action. — © Gabriel Monnet pour Le Temps

L'allemand Benedikt Duda et le suisse Chaitanya Vepa s'affrontent. — © Gabriel Monnet pour Le Temps
L'allemand Benedikt Duda et le suisse Chaitanya Vepa s'affrontent. — © Gabriel Monnet pour Le Temps

La pongiste ukrainienne Solomiya Brateyko. — © Gabriel Monnet pour Le Temps
La pongiste ukrainienne Solomiya Brateyko. — © Gabriel Monnet pour Le Temps

Un coach roumain récupère les balles à l'aide d'une épuisette. — © Gabriel Monnet pour Le Temps
Un coach roumain récupère les balles à l'aide d'une épuisette. — © Gabriel Monnet pour Le Temps

Le pongiste anglais Liam Pitchford. — © Gabriel Monnet pour Le Temps
Le pongiste anglais Liam Pitchford. — © Gabriel Monnet pour Le Temps

Le pongiste français Félix Lebrun à l'entrainement. — © Gabriel Monnet pour Le Temps
Le pongiste français Félix Lebrun à l'entrainement. — © Gabriel Monnet pour Le Temps

La pongiste suisse Rachel Moret à l'entrainement. — © Gabriel Monnet pour Le Temps
La pongiste suisse Rachel Moret à l'entrainement. — © Gabriel Monnet pour Le Temps