L’accusé s’est dit responsable d’une «très grande majorité des faits» qui lui sont reprochés, à savoir des viols et agressions sexuelles sur des patients âgés en moyenne de 11 ans au moment des faits. Il y aurait au total 299 victimes
C’est l’une des plus grandes affaires de pédocriminalité jamais jugées en France: un ancien chirurgien accusé de violences sexuelles sur près de 300 patients a reconnu être «responsable d’une très grande majorité des faits», à l’ouverture de son procès lundi.
L’accusé se reconnaît responsable d’une «très grande majorité des faits», a dit devant la cour son avocat, Me Maxime Tessier, lors de ce procès qui se tient à Vannes, dans l’ouest de la France. L’accusé, 74 ans, vêtu d’une veste noire, a pris place en début d’après-midi dans le box et a décliné son identité d’une voix légèrement éraillée. Suivant avec attention chaque prise de parole, il fixe chaque orateur, bouche pincée et visage fermé.
La plupart des 299 victimes étaient mineures au moment des faits, 256 avaient moins de 15 ans, et elles étaient souvent endormies ou en phase de réveil. Une banderole proclamant «Médecins agresseurs, violeurs: Ordre des médecins complice», a été déployée en fin de matinée devant le tribunal et une trentaine de manifestants ont porté chacun une lettre pour former la phrase «Stop à la loi du silence». Parmi eux, Ariel Ladebourg, étudiante en médecine de 21 ans, a déclaré à l’AFP que ce procès hors norme est «la pointe émergée de l’iceberg» en matière de pédocriminalité, déplorant qu’il ait fallu «attendre 299 vies de détruites pour qu’on se dise: “ah oui, c’est grave”».
Déjà condamné en 2020 à Saintes (centre-ouest) à 15 ans de prison pour viols et agressions sexuelles sur quatre enfants, dont deux nièces, l’ancien médecin est désormais jugé pour des actes perpétrés entre 1989 et 2014 dans des hôpitaux de l’ouest de la France, notamment de Bretagne.
Les enquêteurs ont retrouvé la trace de ses victimes – des patients âgés en moyenne de 11 ans au moment des faits – en décortiquant ses journaux intimes, découverts lors d’une perquisition à son domicile en 2017, après que sa voisine de six ans l’a dénoncé auprès de ses parents pour viol. Ses écrits, très détaillés, indiquaient le nom, l’âge et l’adresse de ses victimes ainsi que les violences infligées, souvent sous couvert de geste médical. Nombre de victimes ont été confrontées à une amnésie traumatique, effaçant partiellement ou entièrement le souvenir du médecin.
«L’amnésie ne dilue pas la gravité de l’acte», a affirmé à l’AFP l’une des victimes de l’ancien chirurgien. «Les conséquences existent, je vis avec tous les jours», rappelle celui qui a connu une dépression et des idées suicidaires après avoir lu le récit du pédocriminel sur son agression sexuelle à 12 ans.
Au total, l’accusé, qui se revendique «pédophile» depuis des décennies, sera jugé pour 111 viols et 189 agressions sexuelles, aggravés par le fait qu’il abusait de sa fonction de médecin. Il encourt une peine maximale de 20 ans de réclusion. L’audience de lundi sera principalement occupée par des aspects techniques du procès. La journée de mardi, consacrée à la personnalité de l’accusé, sera un moment fort avec les témoignages de ses trois fils et de son ex-épouse.
Cette dernière affirme ne jamais avoir eu le moindre soupçon sur la pédocriminalité de son mari, malgré des écrits de ce dernier laissant penser le contraire, et une première condamnation du chirurgien pour détention d’images pédopornographiques en 2005, déjà à Vannes. La cour criminelle suivra l’ordre chronologique des violences sexuelles reprochées à l’ex-médecin.
Une quarantaine de parties civiles ont déjà fait valoir leur droit au huis clos, et d’autres peuvent encore le faire tout au long de l’audience. Le 19 mai, la cour entendra plusieurs anciens hauts responsables des hôpitaux et services de santé. Selon des documents confidentiels consultés par l’AFP, certains avaient été informés dès 2006 de la première condamnation du chirurgien, sans que sa carrière n’en soit impactée ou que des dispositions aient été prises pour ne pas le laisser seul en présence de mineurs.
Le médecin avait exercé onze ans encore, poursuivant ses violences sexuelles présumées sur les enfants qu’il opérait. Les plaidoiries des 63 avocats des parties civiles sont programmées du 22 au 28 mai et les réquisitions le 2 juin. Les avocats de la défense plaideront le lendemain, avant que la cour ne se retire pour délibérer durant trois jours à partir du 4 juin. Si ce calendrier est tenu, le verdict est attendu le 6 juin.