Emmanuel Macron a convoqué une nouvelle réunion d’urgence, avec d’autres dirigeants européens. Et toujours cette difficulté à faire émerger une posture commune pour tenter de peser dans les négociations menées entre Washington et Moscou

Rebelote. Après une première réunion d’urgence sur l’Ukraine lundi soir, Emmanuel Macron en a convoqué une deuxième, mercredi. A défaut de se montrer unis, les Européens poursuivent leur ballet frénétique. Ecartés de la table des négociations, mais refusant d’être de simples spectateurs des tractations entre Washington et Moscou (et des joutes verbales entre Donald Trump et Volodymyr Zelensky), les dirigeants des Vingt-Sept et le Royaume-Uni avancent leur propre agenda.

Ils multiplient, ensemble ou séparément, les discussions et initiatives, à la recherche de nouveaux leviers. Ceci alors que l’UE s’apprête à valider officiellement un seizième paquet de sanctions contre la Russie, un paquet qui cible notamment les importations d’aluminium et vise sa «flotte fantôme».

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Un «dictateur sans élection»

Le ton est donné. Pas question de baisser la garde. «Nous nous engageons à maintenir la pression sur le Kremlin», écrit, sur X, la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen. Le Secrétaire d’Etat américain Marco Rubio vient de faire miroiter la levée des sanctions à Moscou. Mais le message que lui a adressé Kaja Kallas, la cheffe de la diplomatie de l’UE, est clair: «La Russie tentera de nous diviser. Ne tombons pas dans leurs pièges.
En collaborant avec les Etats-Unis, nous pouvons parvenir à une paix juste et durable». Même langage du côté du président français, pour lequel, souligne-t-il dans une interview, «la Russie constitue une menace existentielle» pour le continent.

Les récentes attaques de Donald Trump contre Volodymyr Zelensky, associées à leur mise à l’écart et aux concessions que les Américains semblent prêts à accorder aux Russes avant même le début officiel des négociations, inquiètent toutefois toujours plus les Européens. Accusé par son homologue américain d’être «impopulaire» et «responsable» de l’invasion de son pays par la Russie, le président ukrainien lui a répondu mercredi qu’il vivait «dans un espace de désinformation russe». La réaction du locataire de la Maison-Blanche n’a pas tardé: «dictateur sans élection, Zelensky devrait se dépêcher ou il ne va pas lui rester de pays», a-t-il asséné sur sa plateforme Truth Social.

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Le questionnaire de Washington

Après les leaders d’Allemagne, d’Italie, d’Espagne, de Pologne, des Pays-Bas, du Danemark, du Royaume-Uni, de la Commission européenne, du Conseil européen et de l’OTAN, le président français, attendu à la Maison-Blanche en début de semaine prochaine, a cette fois réuni de nouveaux dirigeants. Dont ceux vexés de pas avoir été conviés la première fois. Autour de la table mercredi, en présentiel ou à distance: les pays baltes, la Norvège, la Suède, la Finlande, la République tchèque, la Slovénie, la Grèce, la Bulgarie, la Roumanie, la Croatie, l’Irlande, l’Islande, le Luxembourg, le Portugal ou encore la Belgique. Le Canada, allié de l’OTAN, était également représenté. Dix-neuf chefs d’Etat ou de gouvernement au total.

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Ces nouveaux formats de discussions soulèvent des questions. L’UE, qui tente désespérément de parler d’une seule voix, est-elle fragilisée par les initiatives émanant de certains chefs d’Etat? Pourquoi ne pas organiser un sommet spécial à Bruxelles, avant celui du 20 mars? Le président du Conseil européen Antonio Costa ne l’exclut pour l’heure pas entièrement, «mais le but d’un tel sommet serait de parvenir à des résultats», glisse son équipe. Une manière de sous-entendre que les divergences déjà exprimées, notamment à propos de l’envoi de troupes en Ukraine, pourraient constituer un frein à l’adoption de conclusions significatives. Ce qui s’avérerait plus dommageable que… de ne pas convoquer de sommet du tout.

Ne pas lever les sanctions en cas d’accord favorable à la Russie

Antonio Costa a toutefois entamé «un processus systématique et structuré de consultations avec les dirigeants, sur la base de questions axées sur deux thèmes: le soutien de l’UE à l’Ukraine et les garanties de sécurité». «La décision sur les prochaines étapes sera prise sur la base de ces consultations», précise un fonctionnaire européen. Washington vient précisément d’envoyer un questionnaire aux capitales européennes sur ces garanties de sécurité. Une sorte de main tendue? Depuis Riyad, Marco Rubio a laissé entendre mardi que les Européens ne seront pas totalement mis de côté… en raison des sanctions qu’ils ont imposées à Moscou.

Un levier à saisir? Les Européens sont déterminés à ne pas lever leurs sanctions en cas d’accord favorable à la Russie. Mais pour l’instant, il y a de quoi avoir le tournis, entre les invitations d’Emmanuel Macron, les efforts d’Antonio Costa, les déclarations du premier ministre britannique, favorable à l’envoi de troupes, qui s’apprête à rencontrer Donald Trump, ou encore la stratégie de la leader italienne Giorgia Meloni, qui cultive à la fois ses liens avec le président américain et Elon Musk. Sans compter les voix discordantes comme celle du premier ministre souverainiste hongrois. Un Viktor Orban qui n’a pas été invité à Paris, ni lundi, ni mercredi. Mais qui, lors de décisions à prendre au niveau de l’UE, peut faire valoir son droit de veto.

Pas plus tard que mardi, Mario Draghi, ancien président du Conseil italien et ex-patron de la Banque centrale européenne, dénonçait devant le Parlement européen l’incapacité de l’UE et des Vingt-Sept à prendre des décisions «existentielles» pour l’Europe. Et a averti que face aux différents défis qui s’imposent, «il devient de plus en plus clair que nous devons de plus en plus agir comme un seul Etat». Un vœu pieux?

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