De passage à Genève, le chef de l’opposition vénézuélienne s’en tient à rappeler les fraudes qui ont entaché les dernières élections présidentielles. Mais il reste discret sur ses demandes à l’égard des Etats-Unis de Donald Trump

Comment faut-il l’appeler? Un opposant en exil? Ou plutôt le «président élu» du Venezuela, après que les élections présidentielles de juillet dernier ont été, selon la plupart des observateurs, entachées d’innombrables fraudes et de violences contre l’opposition? «Ce qu’on demande? C’est que les résultats soient respectés!» disait mardi à Genève Edmundo Gonzalez, devant quelques journalistes suisses. Avant d’esquiver toute réponse plus précise sur ses moyens d’action.

Il se dégage de l’homme, âgé de 75 ans, un fort sentiment de tristesse et de désarroi. La veille, toujours à Genève où il a été invité par le Sommet sur les droits de l’homme et la démocratie, le Vénézuélien était au bord des larmes, évoquant le sort de son gendre, disparu «comme des milliers d’autres» entre les mains du régime de Nicolas Maduro. Perçoit-il des signes d’un quelconque espoir d’amélioration? «Non, je ne vois pas», se contente de dire celui qui, aux côtés de Maria Corina Machado avait soulevé un immense espoir de changement dans les rues du Venezuela.

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Edmundo Gonzalez a été acclamé à Genève. Avec Maria Corina Machado, la cheffe de l’opposition entrée dans la clandestinité, il a reçu l’année dernière le prestigieux Prix Sakharov du Parlement européen. Plus récemment, en tournée aux quatre coins de l’Amérique latine, ou à Munich lors de la Conférence sur la sécurité, ce diplomate de carrière, qui n’avait jamais montré la moindre ambition politique jusqu’ici, a été reçu avec émotion et avec les honneurs. Mais rien de plus.

Procès-verbaux mis «en sécurité»

Cette semaine encore, le Centre Carter (CG) a fini par donner raison à ce président en exil, confirmant dans son rapport final que les élections, dans lesquelles le CG était observateur, ne «peuvent pas être considérées comme démocratiques». «C’est la volonté de 8 millions d’électeurs vénézuéliens qui est en jeu, soupire à Genève l’opposant. On ne peut pas la rayer d’un trait de plume.» L’opposition, confirme Edmundo Gonzalez, dispose de procès-verbaux qui confirment bien l’ampleur des fraudes qui ont permis au pouvoir chaviste de l’écarter du pouvoir. Ces procès-verbaux ont été mis «en sécurité au Panama». Jusqu’à quand?

Perçue comme très proche des Etats-Unis, et abondamment discréditée à ce titre par le pouvoir à Caracas, Maria Corina Machado en était venue par le passé à prôner une «intervention étrangère» pour déloger le président Nicolas Maduro. Mais aujourd’hui, malgré les nombreuses questions, Edmundo Gonzalez refuse de faire le moindre appel du pied aux Etats-Unis de Donald Trump, du moins en public. «Nous, les Vénézuéliens, nous devons trouver la solution à nos problèmes. Il n’est pas question de demander aux Etats-Unis qu’ils interviennent. C’est à nous de le faire.»

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En 2019, lors de son premier mandat, Donald Trump avait reconnu le chef de l’opposition de l’époque, Juan Guaido, comme chef d’Etat ad interim à la place de Nicolas Maduro. Cette aventure s’est néanmoins terminée en une longue errance inutile. De même, l’administration Trump reconnaît à présent la légitimité du «président élu» Gonzalez, en ligne avec les positions anti-Maduro affichées notamment par son secrétaire d’Etat, Marco Rubio, fils d’immigrés cubains.

Mais le tableau apparaît un peu plus sombre pour l’opposition. Dès son retour à la Maison-Blanche, Trump a négocié avec Caracas la libération de six détenus américains ainsi que le retour de migrants vénézuéliens «en situation irrégulière», ainsi que de criminels avérés. Le signe, voulait croire Nicolas Maduro, d’un «nouveau départ» dans les relations entre les deux pays.

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La fin de la «protection temporaire»

Surtout, l’administration Trump a mis fin à un programme de protection temporaire concernant plus de 300 000 immigrés vénézuéliens résidant aux Etats-Unis. Cette «protection», mise en place en 2023, garantissait aux Vénézuéliens de ne pas être renvoyés vers leur pays d’origine. Désormais, soulevant un vent de panique en Floride où beaucoup d’entre eux sont installés, ces Vénézuéliens se préparent à être prochainement expulsés des Etats-Unis.

Vers quel côté penchera Donald Trump, entre ses inimitiés vis-à-vis du régime de Chavez d’un côté, et son obsession migratoire de l’autre? A Genève, Edmundo Gonzalez fait mine de ne pas comprendre la question du Temps à ce propos. «Vous savez combien de Vénézuéliens ont dû quitter le pays? Huit millions! C’est un chiffre incroyable», rétorque-t-il. Puis, comme emprisonné dans un leitmotiv entêtant: «Il faut respecter la volonté populaire qui s’est exprimée le 28 juillet, c’est tout ce qu’on demande.»

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Pratiquement au même moment, dans sa résidence de Mar-a-Lago, en Floride, Donald Trump était interrogé, lui, sur la possibilité de durcir encore les sanctions contre le Venezuela. Concrètement: suspendre la licence qui permet à la compagnie pétrolière américaine Chevron d’extraire du pétrole au Venezuela et qui procure une grosse bouée de sauvetage au régime vénézuélien. «Peut-être que oui, peut-être que non», se contentait de répondre Trump.