La contestation ne faiblit pas depuis trois mois. Elle a été déclenchée à la suite de l’effondrement d’un toit de la gare de Novi Sad le 1er novembre 2024, qui a provoqué la mort de 15 personnes

Les étudiants serbes se sont révoltés, dénonçant «la corruption qui tue» et le népotisme en place dans le pays. Ces derniers occupent une soixantaine de facultés depuis début décembre. Ils ont d’ailleurs régulièrement été la proie d’attaques «d’inconnus» masqués. Plusieurs manifestants ont également été renversés par des automobilistes.

Très vite, le slogan «Vos mains sont ensanglantées» a envahi toute la Serbie. Se sont joints aux rassemblements des agriculteurs avec leurs tracteurs, des travailleurs de la culture et des employés de compagnie de transport urbain. Les avocats serbes ont, eux, entamé une grève de trente jours depuis le 3 février, bloquant totalement le système judiciaire.

Un géographe a établi une carte des manifestations depuis le début de janvier. Presque aucune commune de Serbie n’est restée à l’écart, même dans les zones rurales les plus reculées.

Notre reportage: La contestation gagne la Serbie rurale

Une contestation d’une telle ampleur, c’est du jamais vu en Serbie depuis les manifestations démocratiques de l’hiver 1996-1997. Elles s’opposaient au régime de Slobodan Milosevic, qui fut écarté du pouvoir trois ans plus tard. Mais cette fois-ci, les revendications des étudiants n'exigent pas la chute d’Aleksandar Vucic, mais des réponses à quatre demandes précises:

  1. La publication des documents concernant la gare de Novi Sad, restés pour la plupart secrets
  2. La sanction des politiciens responsables
  3. L’identification des auteurs de violences contre les étudiants
  4. L’augmentation de 20% du budget de l’enseignement supérieur

Le 30 décembre, 13 personnes sont inculpées pour l’effondrement de la gare, dont un ancien ministre. Mais des doutes subsistent sur l’indépendance de l’enquête menée par les autorités. Le 28 janvier, le premier ministre serbe, Milos Vucevic, annonce sa démission. Mais son départ ne change rien à la contestation.

Le président, Aleksandar Vucic, accuse, lui, les étudiants de recevoir de l’argent de l’Occident. Mais il se dit ouvert aux négociations, que les étudiants refusent. Les médias pro-gouvernementaux ont, eux, publié les données personnelles de certains manifestants. Selon ces derniers, cela n’aurait pas été possible sans l’implication des services secrets du pays.

Notre reportage: Dans les rues de Serbie, un soulèvement porté par l’espoir et l’unité

A l’étranger, les manifestations provoquent peu de réactions des dirigeants. Il faut dire que la Serbie de Vucic est prise en sandwich entre son proche allié Poutine d’un côté et l’Union européenne de l’autre, pour laquelle le pays a déposé une candidature d’adhésion. L’UE est restée quasiment muette jusqu’ici. Et le Kremlin a, lui, réagi aux manifestations le 30 janvier, en prévenant les étudiants qu’il fallait faire preuve de «bon sens», en «ne laissant pas le chaos s’installer».