A domicile, l'Autrichienne bat la favorite italienne Federica Brignone de dix centièmes. Les Suissesses - Lara Gut-Behrami, seulement 8e, en tête - ont elles été battues par la piste, présentée comme «facile» mais qu'elles n'ont pas su interpréter
Sur les pentes ensoleillées de Saalbach-Hinterglemm, les concurrentes du super G déboulent sur le tracé de gauche en abordant le mur final. Face à elles, une mer de drapeaux autrichiens danse, un adret pelé et d'un vert jaunâtre en arrière-plan. Paires de skis plantées sur le flanc, les bennes charrient les skieurs qui, indifférents ou curieux, descendent sur les pistes voisines, beaucoup moins bien évidemment. C'est un curieux mélange, dont le Cirque blanc a l'habitude mais qui est toujours surprenant pour qui le découvre. Un peu comme si un baigneur barbotait dans une ligne d'eau parallèle à celles de Léon Marchand et Noè Ponti.
En ski alpin, compétition et loisir font bon ménage, parce que sport et tourisme vont de pair. A Saalbach, où le wunderteam autrichien est arrivé traumatisé par des résultats décevants et une série de blessures, on ressent tout l'enjeu économique, politique même, de ces Mondiaux à la maison. Alors quand Stephanie Venier, dossard 7, tient tête au premier temps intermédiaire à Federica Brignone, la grande favorite avec Lara Gut-Behrami, qui vient d'exploser le chrono de référence de plus d'une seconde et qui a exulté dans l'aire d'arrivée comme si elle avait gagné, c'est tout un stade qui murmure et tout un peuple qui retient son souffle. Le public gronde au deuxième intermédiaire - Venier a 18 centièmes d'avance -, rugit au troisième - toujours 18 centièmes - et explose à l'arrivée. Stephanie Venier devant pour 10 centièmes, soit 2,61 mètres d'avance selon la télévision autrichienne.
Leurs espoirs comblés, les spectateurs basculent instantanément dans la crainte, car arrivent les Suissesses. Mais Corinne Suter termine loin (14e à 1''26) et Lara Gut-Behrami hausse les épaules d'impuissance en bas de la piste. Troisième à 7 dixièmes au moment de son passage, la Tessinoise est immédiatement chassée du podium par la Norvégienne Kajsa Vickhoff Lie. Elle reculera jusqu'au 8e rang final. La Tchèque Ester Ledecka fait passer un frisson dans les gradins mais la triple championne olympique de snowboard et de ski alpin termine moins bien qu'elle a débuté. Tout le contraire de l'Américaine Lauren Macuga, qui accroche dans le schuss final une place sur le podium, troisième ex-aequo avec Vickhoff Lie, parce que Norvège et Etats-Unis n'ont pas de rival dans la capacité à se sublimer le jour J. Venier, Brignone et Macuga étaient déjà, dans un ordre différent, sur le podium du super G de St-Anton il y a un mois.
Quatre filles médaillées, mais aucune Suissesse. Michelle Gisin est 17e à 1''64. La néophyte Malorie Blanc signe en comparaison la meilleure performance pour sa première apparition à ce niveau (12e à 1''19). «Je n'ai jamais réussi à prendre de la vitesse», regretta Corinne Suter. «Je n'ai jamais trouvé le bon rythme», expliqua Lara Gut-Behrami, qui avait en début de semaine manifesté un certain dédain pour cette piste lapidairement qualifiée de «plate». Alors que les micros (plus exactement les smartphones) étaient tendues comme des perches, elle refusa de se saisir de cette excuse. «Ce n'est pas la piste qui n'était pas bonne, c'est moi qui n'aie pas su la skier comme il aurait fallu. Une piste sans grande difficulté, c'est en fait compliqué, parce qu'il faut trouver le moyen d'aller vite, donc de bien interpréter le tracé.»
Sac au dos, skis sur l'épaule et tout de même le sourire aux lèvres, Lara Gut-Behrami a quitté les lieux sans manifestement éprouver de douleur à son épaule droite. Elle a heurté une porte à mi-course, signe selon elle d'une coureuse pas dans le rythme, ce qui arriva également mais avec plus de conséquence à Lindsey Vonn, contrainte à l'abandon, et peut-être forfait pour la descente samedi. «On verra comment mon épaule réagit. Je ferai de toute façon l'entraînement demain [vendredi] parce que je dois tester du matériel», a commenté la star américaine, de retour cette saison sur le circuit à 40 ans et après plus de cinq ans d'absence.
Les Autrichiens n'ont pas ces soucis. Ils ont une championne du monde, ils ont leur première médaille d'or. «Je n'ai pas les mots; faire ça devant mon public, c'est incroyable! Je n'ai pas dormi de la nuit mais ce matin à l'entraînement, j'ai senti que la journée allait être bonne», a expliqué Stephanie Venier, sacrée pour la première fois à 31 ans. L'héroïne du jour et peut-être de la quinzaine a reçu son prix des mains du gouverneur du Land de Salzbourg, en direct à la télévision. Grâce au cadrage soigné de l'ORF, qui diffuse quasi en continu, la vallée de Glemm se montrait sous son meilleur angle.