Il ne voit le monde qu’en sons. Génie de l’enregistrement de terrain, ancien du groupe Cabaret Voltaire, le Britannique présente à Genève, dans le cadre du Festival Antigel, qui a débuté jeudi soir, le bruissement de la jungle malgache
C’était au début de la pandémie. Pour Chris Watson, qui faisait profession d’enregistrer le monde pour les documentaires de la BBC ou du National Geographic, la résidence surveillée aurait pu très vite se révéler asphyxiante. «J’ai entendu un merle au sommet d’un cyprès, perché au fond de mon jardin. D’un jour à l’autre, la pollution sonore avait disparu, les avions, les voitures, tout ce qui nous empêche d’écouter la nature.» C’était le printemps, les oiseaux chantaient l’amour, Watson sort alors ses microphones. Lui qui a gravé l’attaque du fauve dans la savane, les cimes amazoniennes, une ancienne ligne ferroviaire mexicaine, découvre alors l’ailleurs absolu au fond de sa pelouse.
Si Watson a passé sa vie à saisir les choses par l’effet qu’elles produisent sur les oreilles, c’est qu’on lui a offert le jour de son 14e anniversaire un magnétophone à bandes; c’était 1966 à Sheffield, le vacarme des aciéries, le charme de la machine qui inspireront la musique industrielle du groupe qu’il forme avec deux amis: Cabaret Voltaire. «Il s’agissait pour nous de récolter les sons les plus étranges; j’étais un grand lecteur de William Burroughs, j’adorais par exemple passer à l’envers les enregistrements, triturer les bandes. Et puis un jour, j’ai voulu quitter la musique, le studio, la scène, j’avais envie de voyager.» il prend la route avec David Attenborough, le réalisateur de films naturalistes pour lequel il enregistre le crissement de la glace du pôle Nord quand elle fond, la carcasse d’un zèbre qui pourrit, une orque qui chasse dans l’Antarctique, les pattes des fourmis en Amérique du Sud, les grenouilles de Madagascar, la canopée dans l’obscurité. Et puis le vent.
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