COMMENTAIRE. François Bayrou survit pour l’instant au budget et à la censure. Mais il ne doit pas trop profiter de la bonne volonté, limitée, des uns et des autres. Surtout celle qui vient de députés cohérents dans leurs attentes

Seuls 128 députés sur 577 ont voté la censure ce mercredi. François Bayrou devrait donc survivre au budget. Contrairement à son prédécesseur Michel Barnier, il a remporté son premier vote de défiance sur le sujet. D’autres votes suivront, mais ils devraient se ressembler. Le chef du gouvernement français doit ce succès principalement aux députés sociaux-démocrates qui ont décidé de jouer, un temps, le jeu de la négociation, contre l’avis de l’aile la plus radicale de la gauche.

Le Rassemblement national a suivi, une fois que les socialistes s’étaient prononcés et qu’il n’avait donc plus aucune chance de faire tomber le gouvernement. Le président du parti d’extrême droite Jordan Bardella a affirmé que c’était pour éviter le risque d’«instabilité» qui inquiète les Français. Mais où était ce souci de stabilité quand il s’agissait de faire tomber Michel Barnier? L’agenda du RN – pousser rapidement Emmanuel Macron à démissionner (en vue de la condamnation de Marine Le Pen?) – demeure peut-être, mais le parti d’extrême droite populiste n’a simplement plus la main tant que le PS joue le jeu du compromis.

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Les socialistes affirment cependant que cette non-agression n’est pas nécessairement destinée à durer et menacent déjà d’offensives dès la semaine prochaine. Une donnée doit cependant trotter dans leurs esprits (et dans la tête de certains autres): un sondage Odoxa pour Public Sénat a montré la semaine passée qu’une écrasante majorité (74%) des Français étaient contre une nouvelle censure à court terme. A gauche, 77% des sondés demandaient à leurs élus de négocier. Chez les sympathisants socialistes et écologistes, ils étaient 90%.

François Bayrou doit aussi jouer le jeu

La censure ne se fera donc plus à la légère. Peut-être même du côté du RN dont on n’a pas toujours compris les lignes rouges mouvantes et l’irrépressible envie de faire tomber les gouvernements (pour accélérer la date de l’élection présidentielle?). Espérons pour la France que les socialistes, eux, sauront être cohérents dans leurs demandes et leurs attentes. Et écarter les dérives électoralistes dans leurs rangs. Mais pour que cela fonctionne, François Bayrou doit lui aussi jouer le jeu. Il lui faudra désormais ne pas trop profiter de cette bonne volonté limitée. Le chef du gouvernement ne doit pas non plus trop miser sur l’anxiété éprouvée par l’électorat face aux risques de l’instabilité. La peur du vide ne suffira pas à garantir son succès.

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Pour faire durer cet esprit de discussion, le fragile premier ministre doit apprendre vraiment à écouter ceux qui, même s’ils ne font pas partie de son camp, lui ont permis de survivre. Leur offrir des concessions. Pour durer, il faut que le consensus français soit sincère. Et porté le moins possible par des intérêts ponctuels, particuliers, voire personnels. Certains dérapages verbaux volontaires et d’autres manœuvres politiques de ces derniers jours ne semblent pas le garantir.

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