CHRONIQUE. Le petit rongeur, c’est bien connu, fait des réserves pour traverser l’hiver. Laure Borgomano explore cette notion de «réserve» dans un livre de philosophie aussi lumineux que porteur d’espoir
C’était à un repas entre amis à la fin de l’année dernière. J’essayais maladroitement d’exprimer un sentiment qui m’habitait pourtant fortement, celui d’une soif renforcée de films, de livres, de théâtre, d’expositions. C’était en lien avec la noirceur des temps, disais-je. Guerres, massacres, extrême droite du nord au sud. A court de mots, je mimais l’idée d’ouvrir des portes vers ces lieux que sont la page, le tableau, la scène. Ma ferveur renouvelée pour m’y rendre, physiquement et mentalement, ne procédait pas de l’envie de fuir la réalité. Pas du tout! Cela au moins, c’était clair. Non… Ces espaces me permettaient de reprendre mon souffle, c’est-à-dire d’entendre ma propre respiration et celle du monde.
Cette dernière phrase ne m’est pas venue ce soir-là. Sur le moment, je crois bien m’être rabattue sur une image: en lisant, en regardant des films, je me sentais comme l’écureuil qui fait des réserves pour l’hiver. Sans grand succès auprès de mes amis.
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