La croissance d’Alphabet, la maison mère de Google, est en dessous des attentes au quatrième trimestre. «Les performances décevantes de Google Cloud suggèrent que leur élan lié à l’IA est en perte de vitesse», analysent les observateurs

Alphabet, la maison mère de Google, a déçu Wall Street mardi avec une croissance un peu ralentie au quatrième trimestre, un cloud en dessous des attentes et l’annonce de dépenses colossales en 2025, en pleine remise en cause des investissements dans l’intelligence artificielle (IA).

La firme américaine a réalisé 96,5 milliards de dollars de chiffre d’affaires d’octobre à décembre, en hausse de 12% sur an, dont près de 12 milliards pour sa branche de cloud (informatique à distance), deux résultats légèrement en dessous des prévisions des analystes. Son action a perdu plus de 7% lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse de New York.

Le cloud est au cœur de la vague de l’IA générative, la technologie qui obsède l’industrie et les gouvernements depuis le lancement de ChatGPT (OpenAI) fin 2022. Google Cloud a doublé son bénéfice opérationnel, indicateur clef de la rentabilité, à 2,1 milliards de dollars au quatrième trimestre. Mais sa croissance a ralenti, alors que ce secteur est en pleine expansion.

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«Nous continuons d’assister à une forte demande pour nos offres d’IA sur le cloud», a assuré Sundar Pichai, patron d’Alphabet, lors d’une conférence téléphonique aux analystes. Il a aussi annoncé que son entreprise allait investir 75 milliards de dollars en 2025, principalement dans l’IA.

En perte de vitesse sur les questions d’IA?

«Les performances décevantes de Google Cloud suggèrent que leur élan lié à l’IA est en perte de vitesse, pile au moment où leur stratégie est remise en question par DeepSeek», a commenté Evelyn Mitchell-Wolf d’Emarketer. La concurrence déjà sévère dans l’IA générative a pris une nouvelle dimension la semaine dernière avec le succès inattendu du nouveau modèle de la start-up chinoise DeepSeek.

Aussi performant que les agents IA américains les plus connus, il a été conçu avec des méthodes différentes, à un bien moindre coût que ses concurrents ChatGPT, Geimini (Google) et ceux de leurs voisins de la Silicon Valley. Catapulté en tête des téléchargements d’applications mobiles aux Etats-Unis, DeepSeek remet en question les investissements colossaux des géants du secteur, notamment dans de nouveaux centres de données, équipés de serveurs dernier cri avec des puces très chères spécialement conçues pour l’IA.

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L’équipe chinoise «a fait du super boulot», a reconnu Sundar Pichai, qui pense néanmoins que Gemini «est en tête», en termes de «coût, performance et rapidité». «Je pense que nous sommes bien placés pour servir des milliards d’utilisateurs dans le monde, sur nos différents produits et sur le cloud», a-t-il affirmé – une réponse similaire à celle de Mark Zuckerberg, patron de Meta, interrogé la semaine dernière sur ce sujet.

Menace sur la vente des publicités en ligne

Pour Alphabet, cette technologie représente par ailleurs la première véritable menace à son cœur de métier, la vente de publicités en ligne, depuis que Google est devenu synonyme de recherche sur internet. Elle permet en effet de plus en plus de contourner les liens publicitaires associés aux résultats de recherche, en posant directement une question à un agent conversationnel IA.

«Jusqu’à présent, Google a réussi à conserver sa part dominante du marché de la recherche malgré la concurrence croissante des plateformes d’e-commerce, des réseaux sociaux et des sociétés d’IA telles qu’OpenAI et Perplexity», a relevé Evelyn Mitchell-Wolf.

Le groupe californien a réagi l’année dernière en lançant les «AI Overviews» («Aperçus IA»): le moteur répond aux requêtes avec une réponse rédigée et différentes options, avant la traditionnelle liste de liens. En décembre, il s’est félicité que ce nouveau service touche «1 milliard de personnes», et a promis d’y ajouter bientôt «les capacités de raisonnement avancées de Gemini 2.0», la dernière version de son modèle.

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L’omniprésence du moteur de recherche et les habitudes des consommateurs «protègent» Google, estime l’analyste, mais «2025 pourrait être l’année où ces avantages s’érodent de manière significative». Elle fait notamment référence à la menace de démantèlement qui pèse sur Alphabet.

L’entreprise a été jugée coupable l’été dernier de pratiques illégales pour établir et maintenir son monopole dans la recherche en ligne, et le gouvernement américain a demandé à la justice qu’elle cède son navigateur internet Chrome, une sanction potentiellement historique. Son sort dépend désormais en partie de Donald Trump. Sundar Pichai fait partie des dirigeants de la tech qui courtisent les faveurs du président américain. Google a donné un million de dollars au fonds pour sa cérémonie d’investiture. En tout, Alphabet a dégagé 26,5 milliards de dollars de bénéfice net au quatrième trimestre, et prévoit de nouvelles réductions budgétaires et plans de départ pour améliorer ses marges.


Google assouplit ses principes éthiques sur l’IA dans la foulée du retour de Trump

Google a mis à jour mardi ses principes gouvernant le développement de l’intelligence artificielle (IA), retirant sa promesse de se tenir à distance des armes et des systèmes de surveillance, deux semaines après l’investiture de Donald Trump. Plusieurs engagements pris en 2018 n’apparaissent pas dans une charte intitulée «Nos principes».

L’entreprise semble ainsi avoir supprimé ses promesses de ne pas chercher à développer «les armes ou autres technologies dont l’objectif principal (…) est de blesser des personnes», «les technologies qui recueillent ou utilisent des informations à des fins de surveillance en violation des normes internationalement acceptées» et «les technologies dont le but contrevient aux principes largement acceptés du droit international et des droits humains».