La comédienne romande met des mots forts sur l’abus dont elle a été victime pendant son enfance. Quatre interprètes parfaitement accordés portent sa voix dans «Sagrada familia», au Théâtre de Vidy, avant le Théâtre Benno Besson à Yverdon
De ce saccage, Nathalie Lannuzel aurait pu ne jamais se remettre. A l’âge de 5 ans, elle subit l’abus de son père. Pendant des années, il fera de sa fillette sa proie, en prédateur de l’ombre, couvert par le silence de la mère, dans le huis clos d’une famille de quatre. Un demi-siècle plus tard, la comédienne, ex-directrice de l’école des Teintureries à Lausanne, rompt un silence qui en a anéanti beaucoup. Au Théâtre de Vidy, avant le Théâtre Benno Besson à Yverdon, elle met des mots sur ce champ de cendres, des mots sur une plaie jamais refermée qui aurait pu proliférer en gangrène, des mots pour qu’ailleurs sautent les verrous des capitulations.
Son Sagrada familia vient d’une enfance où tout lacère. Mais la bonne nouvelle, c’est que ce texte longtemps mûri est à la hauteur de l’enjeu, qu’il fait pièce au despotisme pervers d’un mâle triste, qu’il expose les racines d’une compulsion mortifère, qu’il proclame surtout, dans sa forme polyphonique, dans sa pulsation musicale, dans son honnêteté d’écorchée, une puissance de vie. Nathalie Lannuzel revisite la chambre obscure d’une honte qui n’en est plus une, avec la hardiesse lucide d’une guerrière apaisée.
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