ÉDITORIAL. Après les défections successives de tous les favoris, Le Centre lance deux candidats honnêtes mais peu inspirants dans la course au Conseil fédéral. Au vu de ses ambitions, il aurait dû faire beaucoup mieux
Markus Ritter et Martin Pfister. Après moult hésitations, plans sur la comète et désistements surprises, Le Centre Suisse a finalement trouvé un duo passable pour briguer la succession de Viola Amherd au Conseil fédéral. Cela signifie que l’Assemblée fédérale pourra opérer un choix véritable le 12 mars prochain; ce sera soit un conseiller national saint-gallois, soit un conseiller d’Etat zougois. C’est l’absolu minimum de ce que les autres formations étaient en droit d’exiger du Centre, qui s’en sort donc de justesse. Non sans avoir perdu beaucoup de sa superbe depuis le début de l’année.
Le manque total de coordination entre le président et sa ministre, au moment de choisir l’heure de leurs départs respectifs, était déjà de très mauvais aloi. Cette double vacance maladroite a conduit à un labyrinthe de stratégies personnelles et partisanes, dans lequel le grand patron Gerhard Pfister a fini par se perdre lui-même. Son refus précoce de se porter candidat au gouvernement – au prétexte qu’il ne serait pas assez sympathique pour se faire élire, allons donc! – est le plus incompréhensible de tous. Il alimente des spéculations autour de potentielles casseroles, et provoque le désarroi d’observateurs alémaniques qui n’imaginent pas le gouvernement fonctionner sans son intelligence si particulière.
Au final, avec sa pléthore de profils intéressants – 44 élus sous la coupole fédérale et 41 conseillers d’Etat dans tout le pays, sans compter les capitaines d’entreprises prestigieuses qui ont été sondés –, Le Centre lance un agriculteur (profession surreprésentée aussi bien au gouvernement qu’au parlement) et un magistrat méconnu d’un petit canton. Pas de quoi pérorer sur la richesse de son vivier, alors que le parti veut attirer un électorat plus urbain et plus féminin depuis qu’il a abandonné, en 2021, le vieil habit démocrate-chrétien. Pas de quoi non plus donner le moindre rôle au groupe parlementaire, qui sera contraint et forcé de valider le tandem lors de sa séance du 21 février. Peu inspirant.
Enfin, le manque d’ambition de toutes les têtes d’affiche de la formation sera très difficile à faire oublier. Alors que Le Centre se veut en phase de reconquête, il lui faudra s’astreindre à un programme de motivation survitaminé pour décrocher un second fauteuil gouvernemental. En annonçant le jour de l’Epiphanie son départ de la présidence, Gerhard Pfister pensait avoir mis son parti sur le chemin du pouvoir; il se réveille début février en roi nu.