Le parlement a voté deux lois limitant la hausse des charges et de nouvelles embauches en cas de budget déficitaire. Une large coalition de gauche lance un référendum, dénonçant une attaque contre le service public, tandis que la droite plaide la prudence budgétaire
Ils étaient une dizaine de représentants de partis et de syndicats à se présenter devant la presse vendredi. Cette large ligue, composée entre autres des Vert·e·s, des socialistes et de Cartel intersyndical, se bat contre deux lois récemment votées par le Grand Conseil répondant à la même tendance: celle visant à freiner les charges et les engagements du canton en cas de plongée du budget dans les chiffres rouges.
Concrètement, ces lois prévoient de limiter la hausse des charges contraintes à l’augmentation de la population et de geler la création de nouveaux postes en cas de déficit. La coalition de gauche, soutenue par le MCG, lance un référendum pour la loi concernant les charges, tandis que la seconde bénéficie du référendum obligatoire, une démarche votée par le Grand Conseil.
Plusieurs exceptions sont prévues à ces deux lois: à une majorité des deux tiers, les députés pourront ajouter 1% de charges supplémentaires et corréler le nombre de nouveaux engagements à la croissance démographique. L’école bénéficie d’une mesure plus souple: même en cas de déficit, de nouveaux enseignants pourront être engagés selon la hausse d’élèves.
La gauche assimile ces contraintes à une dégradation du service public. «Si l’Etat ne peut pas répondre à la hausse des besoins de la population, nous assisterons à une détérioration des prestations», souligne Caroline Marti, députée socialiste. Elle va jusqu’à craindre des licenciements dans la fonction publique: «Les départements devront couper dans les effectifs de certains services pour engager dans les secteurs les plus urgents.» Même son de cloche au sein du Cartel intersyndical: «Le personnel de l’Etat deviendra encore plus la variable d’ajustement. Les annuités et l’indexation des salaires le sont déjà», regrette Geneviève Preti, sa présidente.
La rigueur budgétaire de la Confédération inquiète Christian Dandrès, conseiller national socialiste et représentant du SSP. «Les restrictions budgétaires fédérales créeront des charges supplémentaires pour Genève. Le canton ne pourra pas y répondre à cause de ces lois corsets.» C’est justement un corset que Davide De Filippo, président de la CGAS, a enfilé pour incarner la cause: «De nouveaux besoins émergent en raison du vieillissement de la population ou encore de la transition écologique. Comment rénover des bâtiments si on refuse à l’Etat les moyens de mettre en œuvre ses investissements?»
Le Conseil d’Etat ne voit pas non plus d’un bon œil ces deux lois. La conseillère d’Etat PLR Nathalie Fontanet, chargée des Finances, s’est opposée à la majorité de droite, dont son parti, estimant que ces mesures réduiront la marge de manœuvre de l’exécutif. «Vous nous corsetez, mais surtout, vous vous corsetez vous-mêmes», a-t-elle indiqué aux députés lors des débats.
A l’inverse, Jacques Béné, rapporteur de majorité PLR, défend une approche «prudente» des deniers publics. En cas de budget équilibré ou bénéficiaire, ces cautèles ne s’appliquent pas. «Nous demandons au gouvernement de définir des priorités en cas de déficit, explique le député. Nous ne pouvons pas dépenser de l’argent que nous n’avons pas. Lorsque l’Etat n’a pas les moyens, il doit choisir et non pas répondre à de nouveaux besoins auxquels il ne pourra pas satisfaire à l’avenir.» A titre d’illustration, le budget 2025 voté par le Grand Conseil comprend un total de 577,2 équivalents temps plein (ETP) supplémentaires.
Alors que la droite détient le pouvoir exécutif et législatif, pourquoi a-t-elle besoin de ces lois pour refuser des postes ou des charges qu’elle pourrait contrer au Grand Conseil? «Nous n’avons pas le nez en permanence dans les dossiers pour déterminer avec justesse ce qui doit être prioritaire, souligne Jacques Béné. Nous attendons du gouvernement qu’il fasse ce travail en amont et émette des propositions sur lesquelles les députés débattront.»
Le plan financier quadriennal 2025-2028 du Conseil d’Etat prévoit des déficits pour les deux prochaines années. Une épée de Damoclès pour la gauche que la droite compte manier avec dextérité.