Le Conseil fédéral a beau vanter les garanties obtenues lors des négociations avec Bruxelles, la faîtière syndicale ne s’en laisse pas conter: elle réclame des régulations supplémentaires du marché du travail, qu’elle entend décrocher dans les discussions avec le patronat suisse
Ce n’est pas ce vendredi que les syndicats feront un pas en faveur des nouveaux accords entre la Suisse et l’Union européenne. Réunie en assemblée extraordinaire des délégués à Berne, l’Union syndicale suisse (USS) n’a rien lâché et réitéré, en adoptant une résolution, sa ferme opposition aux textes négociés. Ceux-ci prévoient une foule de développements des traités bilatéraux avec Bruxelles: un tribunal arbitral pour régler les divergences, des accords sur la santé ou l’électricité, un cadre pour la libre circulation des personnes, et des modifications dans les mesures de protection des salaires.
«Ces accords ont été mal négociés», décoche le tribun Pierre-Yves Maillard, président de l’USS et sénateur socialiste. «Pour la première fois dans l’histoire des relations entre la Suisse et l’UE, nous sommes confrontés à une volonté de faire reculer la protection des salaires.» Le politicien vaudois appelle à «ne pas répéter les mêmes erreurs» que les membres de l’Union européenne, et à prendre soin du service public. «Comme me disait un collègue, quand on monte dans un train en Allemagne, on ne sait qu’une chose: où on monte, mais on ne sait pas quand et où on arrive», avance-t-il, provoquant des rires dans les rangs, avant de reconnaître «qu’il y a sans doute un peu d’exagération».
Tout en dénonçant l’accord sur l’électricité, coupable de libéraliser le marché et de miner le service public, l’USS a concentré ses attaques sur la question salariale. Et même si Berne et Bruxelles ont convenu du principe «salaire égal, à travail égal au même endroit», pour prévenir les abus et sous-enchères, et de laisser la Suisse organiser ses contrôles sur le terrain, la faîtière des syndicats ne se satisfait pas des garanties obtenues par le Conseil fédéral. Comme elle le dit depuis des années, elle rejette certaines demandes de la Commission européenne (gouvernement de l’UE):
réduire le délai d’annonce de huit jours à quatre jours ouvrables pour les entreprises européennes. Celles-ci doivent signaler à l’avance les travaux qu’elles vont effectuer en Suisse, pour que les autorités puissent préparer des contrôles des salaires;
supprimer les cautions préventives pour toutes les entreprises européennes: désormais, seules celles qui ont déjà fauté dans le passé devraient en payer;
le dédommagement des frais: les travailleurs européens détachés en Suisse verraient leurs nuitées et repas indemnisés aux tarifs de leur pays d’origine, et non aux prix suisses.
Le Conseil fédéral fait valoir que Bruxelles a accepté une nouvelle clause, dite de «non-régression», qui permettrait à la Suisse de maintenir sa protection des salaires, sans devoir reprendre les règles de l’UE, si celle-ci les affaiblit. Et les partisans des accords avec l’UE assurent que le nombre de travailleurs concernés demeurerait peu élevé, et que la Suisse pourrait encore fixer d’autres règles dans ses propres lois.
Mais l’Union syndicale ne veut rien savoir. Elle ne bougera pas – pour l’instant. Pour la convaincre, il faudra que le patronat suisse consente à élargir la régulation du marché du travail interne. Les négociations à venir entre les partenaires sociaux promettent d’être chaudes.