ÉDITORIAL. L’affaire des colis piégés qui agite Genève a au moins le mérite de mettre en lumière la problématique des compétences dévolues au Ministère public de la Confédération et qui n’ont pas été dépoussiérées depuis trop longtemps

Pour M. et Mme Tout-le-Monde, c’est devenu une sorte de feuilleton haletant et mystérieux. Mais pour tous ceux qui gravitent autour de l’horlogerie de luxe, et plus particulièrement de Patek Philippe, c’est une source de véritable et légitime inquiétude. L’affaire des colis piégés, qui ont déjà fait deux blessés à Genève, semble très loin d’être résolue. Et chacun peut se poser cette question: mais pourquoi diable cette enquête, qui porte sur un contexte très local et sur une forme de criminalité dite «classique», se retrouve entre les mains du Ministère public de la Confédération?

La réponse est simple. Ce n’est pas parce que le parquet fédéral aurait une meilleure expertise en la matière ou que Fedpol serait comparable à une sorte de FBI déboulant dans chaque bourgade pour résoudre les pires des crimes, mais parce que le Code de procédure pénale lui confère depuis des lustres tout ce qui concerne l’usage d’explosifs, délit susceptible de toucher à la sûreté de l’Etat. En théorie, le parquet fédéral pourrait déléguer à celui du canton concerné, mais cette culture n’existe pas et cela ne se fait jamais, sauf pour des broutilles.

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Lourde machine

Cette affaire des colis piégés – avec ses errements et ses crispations – aura au moins le mérite de mettre en lumière la problématique de ces compétences qui n’ont pas été dépoussiérées depuis trop longtemps. Le parquet fédéral peut ainsi se retrouver à devoir enquêter sur des pétards et autres engins pyrotechniques, sur une agression commise sur ou par un contrôleur CFF, sur le cas d’une malheureuse employée d’une caisse AVS qui se ferait malmener à son guichet ou encore sur de petits bricoleurs de faux billets. Alors que ces cas pourraient relever d’une justice de proximité, le système les destine à la lourde machine qui va de Berne à Bellinzone (en cas de procès). Une absurdité.

Il y a 5 ans, la motion d’un certain Daniel Jositsch, conseiller aux Etats (PS/ZH), demandait à revoir ces compétences. Mais c’était pour de mauvaises raisons. A l’époque, le parquet fédéral était en pleine crise et certains se demandaient s’il fallait lui retirer les affaires complexes à caractère international, soit le domaine pour lequel cette institution avait précisément été renforcée et pour lequel elle cultivait un savoir-faire utile. Le calme est revenu et cette idée n’a heureusement pas prospéré. En revanche, la réflexion sur les scories du passé mérite assurément une approche sans tabous.