Faute de subventions suisses, le Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge pourrait fermer ses portes ou être délocalisé. La faute au plan d’économie du gouvernement approuvé en septembre dernier
Lieu de mémoire chargé d’histoire, le Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge à Genève, pourrait fermer ses portes faute de subventions suisses, ou même être délocalisé. Certains observateurs évoquant Abou Dhabi. Le directeur du musée, Pascal Hufschmid, a été choqué d’apprendre en septembre dernier que l’institution qu’il dirige était menacée par un nouveau plan d’économies du gouvernement fédéral suisse.
«Cela met en péril l’existence même du musée», a déclaré dans un récent entretien à l’AFP l’historien suisse, qui a pris la tête du musée en 2019. Situé à deux pas du siège du Comité international de la Croix-Rouge (CICR), le musée a ouvert ses portes au public en 1988. Il accueille environ 120 000 visiteurs par an, dont des écoliers, des touristes et des diplomates, qui peuvent y découvrir les grandes étapes de l’histoire humanitaire.
Affiches, photographies, prothèses, cadeaux fabriqués par des prisonniers de guerre… le musée conserve une collection d’environ 30 000 objets, dont la toute première médaille du prix Nobel de la paix, remise en 1901 au fondateur de la Croix-Rouge, le Suisse Henry Dunant, ainsi qu’au pacifiste français Frédéric Passy.
Il abrite également les archives de l’Agence internationale des prisonniers de guerre (AIPG), créée en août 1914 par le CICR dans le but de rétablir les liens familiaux entre personnes séparées durant la Première guerre mondiale. Ce fonds d’archives a depuis été classé au registre de la Mémoire du Monde de l’Unesco. «L’objectif est de créer grâce à cet incroyable patrimoine un dialogue sur ce que signifie l’action humanitaire au quotidien», a indiqué Pascal Hufschmid, soulignant que le gouvernement suisse avait reconnu par le passé que le musée avait pour rôle de raconter l’histoire de l’action humanitaire.
Le musée reçoit depuis 1991 une subvention annuelle de 1,1 million de francs suisses (1,2 million d’euros) du ministère suisse des Affaires étrangères, représentant environ un quart de son budget global. Mais le plan d’économies approuvé en septembre dernier par le gouvernement prévoit que le musée dépende désormais du ministère de la Culture.
Pascal Hufschmid ne s’en est guère préoccupé jusqu’à ce qu’il ne se rende compte que ce «transfert entraînerait une réduction importante de la subvention». Car le ministère de la Culture ne distribue ses aides financières qu’à un certain nombre de musées, et ce à l’issue d’un processus de sélection. Et lorsqu’un musée est sélectionné, le soutien qu’il obtient se situe généralement «entre 5% et 7% de ses dépenses, (ce qui) dans notre cas représenteraient environ 300 000 francs», a expliqué Pascal Hufschmid.
«J’ai soudain compris que nous serions confrontés à un déficit structurel à compter de 2027, (et) que nous devrions fermer», a raconté le chef du musée. Une situation «totalement incompréhensible», selon Pascal Hufschmid, qui souligne que la décision du gouvernement a été prise alors même que la Suisse célébrait l’an dernier le 75e anniversaire de la signature des Conventions de Genève, des traités internationaux qui contiennent les règles essentielles fixant des limites à la barbarie de la guerre.
Le canton de Genève a renforcé son soutien financier au musée et plusieurs parlementaires, tant au niveau régional que national, ont exprimé leur soutien. Mais le musée reste menacé. Pascal Hufschmid fait pression sur les milieux politiques suisses pour sauver l’institution, allant jusqu’à proposer une nationalisation.
Certains observateurs ont évoqué la possibilité de la délocaliser, suggérant de le transférer à Abou Dhabi aux Emirats arabes unis, qui accueille déjà le Louvre Abu Dhabi. Pour Pascal Hufschmid, un tel déménagement «n’a aucun sens»: «Nous avons été choqués lorsque nous avons entendu cela, car nous sommes profondément liés à l’identité suisse, à l’héritage suisse, aux idées nées en Suisse» en tant qu'«Etat dépositaire des Conventions de Genève». «Nous sommes un musée suisse et nous resterons en Suisse», a-t-il insisté.