De la pop léchée de Joya Marleen aux refrains rebels de Leila, du rappeur bernois Jule X à l'envoûtante grisonne Mel D, découvrez les talents qui fleurissent outre-Sarine – et pourraient bientôt conquérir nos rives
Il y a des choses qui peinent à traverser le Röstigraben – la compote de pommes sur les macaroni, par exemple. En musique, la frontière est heureusement plus perméable, et il n'est pas difficile de citer quelques artistes alémaniques adoptés par le public romand, de Stephan Eicher à 77 Bombay Street, de Pegasus à Sophie Hunger.
Reste que s'agissant des jeunes talents, les échos tardent encore trop souvent à nous parvenir. A l'occasion de la sortie ce mois du premier album de Joya Marleen, cette Saint-Galloise qui avait réussi à conquérir, il y a quatre ans, les ondes romandes avec son tube Nightmare, on en profite pour se brancher sur les amplis alémaniques – et en extraire les sept artistes qu'il ne faut pas rater en 2025.
En 2021, à 17 ans, elle débarquait dans les radios de toute la Suisse avec son premier tube, refrain bondissant venu hanter nos cortex auditifs. Depuis, la Saint-Galloise a encore élargi son univers, qu'elle aime un peu étrange et imagé, façon B.O. de films. Au-delà de sa pop léchée, Joya Marleen a pour elle un timbre qui claque et le chic pour fabriquer des mélodies qui ne vous lâcheront pas de la journée.
Si on a un jour pensé que le suisse-allemand était la langue la moins mélodieuse du monde, Tiffany Limacher, alias To Athena, nous fait mordre notre (mauvaise) langue. Il suffit d’écouter Angscht, l’une de ses ballades mélancoliques, pour comprendre. Et pour se faire happer dans l’univers pop, poétique et faussement fragile de cette Bernoise, qui a décidément hérité de sa famille de luthiers une délicatesse folle.
On ne l’a découverte qu’il y a peu et on s’en veut encore. D’autant que Leila n’est pas le genre qui s’efface: look androgyne et énergie rageuse, la Bernoise de 23 ans fait de la musique comme on se déleste d’un poids, comme on fait la fête à ses ombres, avec ses tripes. Sur des mélodies pop-punk-rock du genre addictives, elle se raconte, elle et sa génération. Tout à coup, l’intime est politique. Et dynamite.
Les Romands ont pu les croiser au Montreux Jazz Festival ou encore à Label Suisse en septembre. Né pendant la pandémie, d’abord solo puis trio (comptant dans ses rangs la perle du folk zurichois Anuk Schmelcher), Obliecht crée son propre langage, entre folk traditionnel et pop alternative, synthés et hackbrett d’Appenzell. Le résultat, ambitieux mais raffiné, apaise autant qu’il emporte.
Née à Nice avant une enfance à Leipzig, c’est sur les bords de l’Aar qu’officie aujourd’hui Aino Salto, jeune musicienne qui a choisi l’anglais pour sublimer son grain de voix racé. On ne ratera pas son premier EP qui vient de sortir, Imagine People as Adolescent Birds, une introspection douce-amère sur le mode pop, teintée de jazz et d’un certain fatalisme. Un univers musical aussi riche que son monde intérieur.
Jule X a tout l'attirail du «cool kid» nostalgique– survêts de sport vintage, coupe mulet, samples piochés dans d'autres décennies que la sienne. Connu pour sa langue bien pendue (il ponctue volontiers ses textes de coups de gueule, entre deux coups médiatiques), le rappeur a surtout le goût des instrus accrocheuses (pop, clubbing, funk) sur lequel il dépose son flow en «schwitzerdütch». Jule X mêle rétro et absurde – encapsulant, ironiquement, totalement l'esprit de son temps.
Sorti l’an dernier, Bring The Witches Back, le premier morceau de Mel D, avait suffi à nous ensorceler. Si son nom de scène évoque bien une sixième Spice Girl, la chanteuse et guitariste grisonne est en réalité moins pop bubble gum qu’indie-folk. ll faut plonger dans ses brumes cotonneuses et épurées, produites avec le cœur et l’aide d’un autre Alémanique bien connu, Dino Brandão. On en ressort grisé et tout étourdi.