CHRONIQUE. La Suisse a été élue à la présidence de l’OSCE pour l’année 2026 et œuvrera dans un contexte géopolitique nettement plus difficile qu’en 2014 et en 1996, deux époques où elle avait pu faire entendre sa voix, écrit l’ancien ambassadeur François Nordmann
Le conseiller fédéral Ignazio Cassis a donné une interview à la fin de l’année dernière aux journaux du groupe Tamedia. Il y présentait son analyse de la situation internationale. Il reprenait pour l’essentiel le discours qu’il a tenu le 17 avril 2024 au Forum économique de l’UBS à Zurich. La Suisse est au centre d’un «cercle de feu»: la guerre d’Ukraine, les conflits armés dans le Caucase, et sur le pourtour de la Méditerranée, les guerres du Proche-Orient, et au Sahel. Les grandes puissances ont renoué avec une politique fondée sur la force. Les institutions internationales ne fonctionnent plus, le commerce mondial recule, un nouvel ordre mondial est en train de naître sans que l’on sache à quoi il ressemblera. Et de souligner l’importance stratégique qui s’attache à des relations «stables, prévisibles et sereines» avec nos voisins et avec l’Union européenne. Le chef du DFAE restait sceptique sur l’évolution en Syrie et plaidait pour l’attentisme. Seule touche claire dans ce sombre tableau, il entrevoyait la possibilité d’un cessez-le-feu en Ukraine en 2025. Il se dégage de ces déclarations l’impression que la Suisse assiste passivement au combat des titans qui se déroule sous son balcon, tout en craignant que son gazon ne soit piétiné. Pourtant, au Conseil de sécurité, la Suisse a pris des positions claires, plus faciles à exprimer sans doute à New York qu’à Berne.
Depuis, nous avons appris le 30 décembre dernier que la Suisse allait présider l’OSCE en 2026, organisation que le chef du DFAE décrivait au printemps dernier comme «incapable d’agir»… Pour la troisième fois en trente ans, la Suisse va exercer la présidence de cette organisation, qui célèbre cette année le demi-siècle de son acte fondateur. En 2014, une équipe de 20 diplomates et un budget de 28 millions de francs avaient permis à la Suisse de donner du relief à la présidence de M. Didier Burkhalter, qui était en même temps président de la Confédération. Personne n’avait prévu que la guerre en Ukraine dominerait l’agenda de l’organisation. La position suisse n’était cependant pas en phase avec celle de l’UE: la Suisse estimait qu’il fallait inclure la Russie dans l’architecture européenne de sécurité, nonobstant l’annexion de l’Ukraine. Nos partenaires ne partageaient pas cet avis: la Russie devait d’abord rendre la Crimée. La Suisse a obtenu un succès initial d’importance en proposant la création d’un corps d’observateurs qui furent envoyés sur le terrain, notamment au Donbass, puis la France et l’Allemagne ont repris l’initiative diplomatique. Ces pays ont négocié avec la Russie et l’Ukraine ce qui devint l’accord de Minsk, dont la mise en œuvre fut confiée à l’ambassadrice suisse Heidi Tagliavini. La présidence suisse s’était en outre obligée à mener des actions communes avec la Serbie, qui devait lui succéder à la tête de l’organisation en 2015.
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