Mettant en valeur la voix, le festival de l’Oberland bernois a accueilli deux vedettes de la scène internationale, la soprano norvégienne Lise Davidsen et le ténor anglo-italien Freddie De Tommaso

Le Gstaad New Year Music Festival aurait pu déchanter ce week-end avec le désistement d’un jeune baryton sud-tyrolien, Andrè Schuen, très attendu dans Le Voyage d’hiver de Schubert. Mais heureusement, la directrice artistique Caroline Murat a pu faire appel à un autre chanteur présent sur place. Le ténor Freddie De Tommaso a accepté de remplacer Andrè Schuen au débotté à l’église de Lauenen. Ce fut l’occasion d’entendre ce ténor anglo-italien dans tout autre chose: un florilège d’airs d’opéras italiens et d’airs napolitains.

Freddie De Tommaso a paru, à vrai dire, plus détendu et naturel samedi soir, lorsqu’il occupait seul le plateau à l’église de Lauenen, que vendredi à l’église de Rougemont, où il partageait la scène avec la soprano norvégienne Lise Davidsen. Pourtant ces deux-là se connaissent pour avoir chanté plusieurs fois ensemble sur de grandes scènes d’opéra, notamment dans Tosca de Puccini récemment au Metropolitan Opera de New York. Mais, comme la cantatrice norvégienne est très grande et qu’elle dépasse d’une tête le ténor anglo-italien, c’est un peu étrange de les voir ensemble sur scène – disons qu’on pourrait trouver couple mieux assorti théâtralement.

Lise Davidsen, une soprano éminemment wagnérienne

A 37 ans, Lise Davidsen est l’une des cantatrices les plus recherchées du moment. Ses moyens sont considérables, presque trop pour l’église de Rougemont à l’espace relativement exigu. Le timbre est opulent, homogène, avec des suraigus projetés au laser. Dans le fameux air Dich, teure Halle, tiré de Tannhäuser, on admire l’éclat de la voix et ce timbre si éminemment wagnérien. Elle fait valoir une riche gamme de couleurs dans le magnifique Ritorna vincitor! tiré d’Aïda, de Verdi: elle construit les séquences et ménage des aigus suspendus. Elle est renversante dans des mélodies d’Edvard Grieg. Dans le poignant Vissi d’arte de Tosca, la voix se déploie et s’épanouit par paliers dynamiques. Elle chante aussi le tube I Could Have Danced All Night, tiré de My Fair Lady.

La soprano norvégienne se montre à l’aise dans le rôle de la jalouse et capricieuse cantatrice Tosca, quoiqu’un brin générique, face à Freddie De Tommaso en Mario Cavaradossi, un peu gauche scéniquement et ayant tendance à pousser la voix. Le ténor nous touche davantage dans le Lamento di Federico de L’Arlesiana de Francesco Cilea, où ses couleurs sombres, d’une portée nostalgique, et ses accents éplorés, font merveille. Il nous semblera encore plus inspiré dans ce même air samedi soir, avec le si sensible James Baillieu au piano.

Le timbre sombre et corsé de Freddie De Tommaso

Freddie De Tommaso possède une voix de ténor dramatique, solidement charpentée, au timbre sombre et corsé. La franchise de l’émission, les couleurs légèrement «barytonnantes» de sa voix et les éclats cuivrés le portent vers Puccini et le vérisme. Ses accents de bravoure paraissent encore un peu excessifs ici ou là, mais il sait aussi intérioriser son chant comme dans trois mélodies de Francesco Paolo Tosti et une sélection d’airs napolitains. On y admire le legato, la conduite de la ligne et cette façon de laisser la voix s’éteindre doucement, à la fin de certaines phrases.

Le ténor anglo-italien possède par ailleurs des aigus cinglants, mais d’une couleur assez différente de ceux du ténor chilien Jonathan Tetelman, à la voix claire, solaire et ardente. Le Gstaad New Year Music Festival présentera encore la soprano italienne Maria Teresa Leva (6 janvier) suivie de jeunes talents et du pianiste de jazz Paul Lay en clôture de festival.


19e Gstaad New Year Music Festival, jusqu’au 11 janvier.