Ils ont moins de 30 ans et n’ont connu leur pays que sous les bombes, ou presque. Entre la nostalgie d’une enfance estropiée et l’euphorie d’une liberté inédite, les jeunes Syriennes et Syriens vivent une seconde naissance. Nous sommes partis à leur rencontre

Depuis trois semaines, Joumana Mortada est incapable de peindre. Trop de joie, trop d’excitation, trop d’incertitudes. «C’est comme si mon développement émotionnel s’était interrompu quand j’avais 14 ans et qu’il reprend là où il s’était arrêté. Je suis de nouveau une ado!» lance dans un éclat de rire l’artiste de 27 ans, qui a connu la guerre la moitié de sa vie. Puis elle se renfrogne: «Je ressens aussi de la nostalgie pour cette adolescence que je n’ai jamais vécue… J’allais à l’école sous les bombes, impossible dans ces conditions de vivre le moment présent et de se construire.»

Nous sommes dans son atelier, au sous-sol de la maison familiale, au cœur du vieux Damas et son dédale de ruelles. Une lumière blafarde inonde de grandes toiles écarlates, toutes décrochées de leur cadre – au cas où elle devrait partir en urgence. Le rouge est partout, il représente la terre gorgée de sang qui se réverbère dans le ciel damascène. «Sous le régime, l’art abstrait me permettait de déverser mes sentiments en évitant la censure», indique Joumana, dont beaucoup d’amis artistes ont fait un tour en prison.

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