En décembre 2022, l’écrivain britannique a perdu l’usage de ses quatre membres après une chute. Il raconte dans «Fracassé» une année d’hospitalisation et l’apprentissage d’un corps fondamentalement étranger

«Le lendemain de Noël, à Rome, alors que j’étais rentré d’une agréable promenade jusqu’à la Piazza del Popolo qui m’avait ensuite amené jusqu’à la Villa Borghese, j’ai fait une chute.» Quand il publie cette première note sur la plateforme Substack, il ne ménage pas ses effets. Dans ce récit distillé au jour le jour et retravaillé pour l’ouvrage publié aujourd’hui, tout commence par la catastrophe comme épicentre, ground zero autour duquel la vie d’avant sera relue. Hanif Kureishi était déjà un écrivain de l’altérité radicale. Dans son premier roman, il était capable de nous immerger dans la tête d’un adolescent britannique aux origines pakistanaises. Dans le premier scénario qu’il avait écrit pour Stephen Frears, My Beautiful Laundrette, il nous faisait vivre la réalité d’un homosexuel aux identités multiples.

Aujourd’hui, dans Fracassé, il permet de sentir ce que signifie une expérience humaine quand on ne peut pas se gratter et qu’on ne songe même plus à faire l’amour, quand le corps devient exclusivement un champ d’intervention médicale et que les expériences qui précèdent l’accident sont toujours teintées d’une profonde nostalgie. Avant de tomber, Hanif Kureishi était déjà hilarant – c’était le dérisoire qu’il traquait dans la tragédie. Rien n’a changé. Alors que son corps est immobile, c’est la distance qui semble le sauver.

Voir plus