Du célèbre rallye-raid, qui se déroule depuis 2020 en Arabie saoudite, on voit à la télévision les manœuvres des pilotes mais pas l’impressionnante logistique nécessaire au déroulement l’épreuve. Immersion dans les allées de tentes du bivouac de départ

Un camp retranché de 3500 personnes, six avions, onze hélicoptères, 100 camions, 70 bus… Derrière les images pittoresques du rallye Dakar dans la nature sauvage d’Arabie saoudite se cache une gigantesque machine logistique, qui transbahute d’étape en étape une mini-ville dans le désert.

Installé sous haute sécurité sur 25 hectares dans une plaine de sable de la région de Bisha, au sud-ouest de la péninsule, le «bivouac» du Dakar bat son plein en ces premiers jours de l’édition 2025 du plus célèbre et éprouvant des rallyes-raids, dont le départ a été donné vendredi. Nuit et jour, des groupes électrogènes pétaradent à côté de structures de bâches blanches vastes comme des hangars. Des camions viennent abreuver les citernes des quelque 200 toilettes et douches, d’autres répandent de l’eau sur les routes pour fixer la poussière soulevée par le ballet incessant de véhicules.

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Rugissant, les vents de sables fouettent la mer de petites tentes de camping «deux secondes», en référence au temps prétendument suffisant pour les déployer, dans lesquelles dorment la plupart des habitants de cette commune itinérante. Près de la tente de la cantine de 1600 mètres carrés se trouvent une salle de jeux d’arcade, des terrains de sport, deux boutiques, une scène avec écran géant… Tout un petit monde qui évolue en autarcie à l’écart des villes et qu’il faut transporter au fil des douze étapes.

Une dizaine de mini-villes

«La mission de base de la logistique, c’est de mettre en place les hommes et les moyens pour que chaque service, client, concurrent, puisse opérer, vivre son événement dans les meilleures conditions possibles», explique à l’AFP Guillaume Kleszcz, directeur logistique de l’organisation ASO, qui organise le Dakar au même titre que le Tour de France et le Marathon de Paris, entre autres événements.

Sur chaque édition du rallye-raid, les organisateurs doivent prévoir une dizaine de bivouacs comme celui-ci, qui suivent les coureurs au fil de leurs parcours à travers la péninsule arabique, où la compétition a planté sa tente depuis 2020. Presque chaque jour, donc, il s’agit de créer une nouvelle mini-ville ex nihilo, au milieu du sable et des cailloux.

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Chaque lieu est structuré à l’identique: «On met au centre la zone technique, qui est la zone de travail. En face, on met la zone de vie, qui est accessible à tous, où tout le monde se rencontre. Et autour de ces deux gros espaces vont figurer l’ensemble des paddocks», soit les bases de vie des différentes écuries en lice, décrit Arnaud Calestroupat, 30 ans, responsable logistique du Dakar.

Tout dupliquer, sauf les gens

Pour chaque site, «on a environ une dizaine de jours de montage: on aplanit d’abord le sol, puis viennent s’installer les structures, la partie électrique et le reste», poursuit le jeune homme. Dans la mesure du possible, le personnel jongle avec les duplicatas d’éléments pour pouvoir prendre le plus d’avance possible dans le montage. Le centre de contrôle de la course existe par exemple en deux exemplaires. Celui utilisé au bivouac 1 ira directement au bivouac 3, celui du bivouac 2 sera dirigé en avance au bivouac 4, etc. De même, la tente de restauration, où 100 000 repas seront servis sur toute la durée de l’épreuve, existe en quatre exemplaires, qui s’intercaleront les uns les autres. Grâce à ces roulements, l’organisation possède ainsi près de deux bivouacs d’avance par rapport à la course.

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Tout n’est cependant pas clonable, à commencer par les gens. Ce gigantisme requiert une armée de bras: sur les 3500 personnes qu’accueille généralement un bivouac, l’organisation et les différents prestataires représentent près de 800 à 900 personnes. A chaque changement de bivouac, ce sont environ 500 personnes, membres du staff, représentants de la presse et cadres des équipes, qui sont déménagées à l’aube par des avions spécialement affrétés pour pouvoir être au point d’arrivée, plusieurs centaines de kilomètres plus loin, avant même le départ de la course.

Quant à la production TV, elle doit avoir bouclé son travail en début de soirée pour emballer le matériel et le transporter de nuit par camion au lieu suivant. Là, il est réinstallé dans la foulée afin d’être à nouveau opérationnel au moment du départ des voitures et motos le lendemain matin. Mais tout ce manège interne, bien sûr, ne sera pas vu à la télé.


Surtout ne pas gagner la première étape

Malheur à l’Américain Seth Quintero et à l’Australien Daniel Sanders! Vainqueurs samedi respectivement en auto et à moto de la première étape du rallye Dakar, ils devront ouvrir la route ce dimanche pour une spéciale baptisée «48 heures chrono», avec 1000 kilomètres à parcourir sans assistance, sur deux jours, avec une nuit à passer dans le désert. Pour ce format très spécifique, introduit pour la première fois l’an dernier, il n’y aurait aucun avantage à partir en premier, estiment de nombreux participants.

C’est ainsi que certains se sont appliqués samedi à ne surtout pas s’imposer – sans toutefois perdre trop de temps, cela va sans dire. Un jeu de dupes qu’a assumé devant la presse le Français Sébastien Loeb (Dacia), neuf fois champion du monde des rallyes mais jamais vainqueur du Dakar à ce jour. «Ça a été une étape sans problème pour nous, nous n’avons pas pris de risques, a-t-il expliqué après s’être classé 24e, à 12 minutes du premier. Le but n’était pas de faire le meilleur temps donc nous nous sommes arrêtés quelques minutes à la fin pour perdre un peu de temps et éviter d’avoir à ouvrir la route demain. C’était une journée ennuyeuse, car nous étions tous dans la stratégie pour demain. Nous ne voulions surtout pas être sur le podium.»

Pour sa 47e édition, la course originellement organisée en Afrique compte 800 concurrents en lice, à bord de 440 véhicules engagés dans les différentes courses. Traçant une courbe de 8000 kilomètres à travers l’Arabie saoudite, le rallye-raid trouvera son dénouement le 17 janvier dans les dunes du désert de l’Empty Quarter, à la frontière avec les Émirats arabes unis. Lionel Pittet avec l’AFP