Dans une enquête publiée ce mardi 31 décembre, le «Financial Times» explique avoir mis la main sur des documents militaires russes datant du début des années 2000, qui révèlent la préparation d’un conflit à la frontière orientale
La guerre en Ukraine s’est étendue vers l’est lorsque la Russie a recruté près de 12 000 soldats nord-coréens. L’Asie est devenue un élément central de la stratégie militaire du président Vladimir Poutine. Et l’était déjà il y a une décennie, d’après les documents dont s’est emparé le Financial Times.
Le quotidien économique américain a mis la main sur «29 dossiers militaires russes secrets», portant principalement sur la formation d’officiers, révélant que l’armée russe a listé des cibles en vue d’une guerre avec le Japon et la Corée du Sud et préparé des scenarii de bombardements.
Les premières cibles sont de nature militaire: quartiers généraux de commandement des forces armées japonaises et sud-coréennes, installations radar ou encore bases aériennes et installations navales, liste le FT.
Dans une présentation de formation d’officiers datant de 2013 ou 2014, est par exemple évoquée une attaque hypothétique de Okushiritou, une base japonaise située sur une île au large des côtes. Et ce à l’aide de 12 Kh-101, des missiles de croisière utilisés l’été dernier pour bombarder un hôpital pédiatrique de la capitale ukrainienne.
Les autres cibles sont des infrastructures civiles – comme le tunnel de Kanmon qui relie les îles de Honshu et de Kyushu, le complexe nucléaire de Tokai, au Japon, ou l’aciérie de Pohang et des usines chimiques à Busan en Corée du Sud. Un autre rapport évoque l’usage de bombardiers Tu-95 pour tester les défenses aériennes du Japon et de Corée du Sud le 24 février 2014 – en pleine annexion de la Crimée. Un circuit de 17 heures autour de la Corée du Sud et du Japon… et un itinéraire quasi-identique à celui emprunté par deux avions de patrouille en début d’année, précise le journal.
Ces documents remontent aux années 2008 à 2014, mais restent «pertinents» vis-à-vis de la stratégie russe, écrit le FT, qui les a soumis à la relecture d’experts sollicités par le journal. Et prouvent que «les théâtres de guerre européen et asiatique sont directement et inextricablement liés», juge William Alberque, du think tank Stimson Center, qui promeut la sécurité internationale.
Selon l’ancien directeur du Centre pour la maîtrise des armements, le désarmement et la non-prolifération des armes de destruction massive, ces documents reflètent comment Moscou perçoit la menace des alliés de l’Occident en Asie: «Si la Russie devait attaquer l’Estonie à l’improviste, elle devrait également frapper les forces américaines et celles qui les soutiennent au Japon et en Corée.» Le porte-parole du président russe n’a pas répondu aux sollicitations du journal.