La nomination très attendue du prochain chef du gouvernement est reportée à demain, a fait savoir l’entourage du président, alors que le chef de l’Etat revenait d’une visite en Pologne
Le président français Emmanuel Macron devrait donc finalement nommer vendredi matin un nouveau premier ministre, et non aujourd’hui comme prévu. Le nouveau chef du gouvernement aura la lourde tâche de chercher un accord pour survivre plus longtemps que le précédent, et faire adopter un budget, dans un paysage politique fracturé.
Emmanuel Macron avait à la surprise générale dissous l’Assemblée nationale en juin, après la déroute de son camp aux européennes face à l’extrême droite. Les législatives anticipées ont abouti à une Assemblée fragmentée en trois blocs (alliance de gauche, macronistes et droite, extrême droite), sans majorité absolue.
Issu de la droite, le Premier ministre et ancien commissaire européen Michel Barnier, en fonction depuis seulement trois mois, avait été contraint le 5 décembre de démissionner, après un vote de censure historique à l’Assemblée. «Le communiqué de nomination du Premier ministre sera publié demain (vendredi) matin», a dit l’entourage du président jeudi soir, alors que le chef de l’Etat venait d’atterrir près de Paris, de retour d’une visite en Pologne.
Emmanuel Macron, dont la cote de confiance atteint seulement 21% selon un sondage Elabe, avait initialement promis de nommer le chef du gouvernement jeudi au plus tard. Un serment fait aux dirigeants de formations d’un arc allant du Parti communiste au parti de droite Les Républicains (LR), réunis mardi à l’Elysée en quête de compromis, en l’absence de l’extrême droite et de la gauche radicale.
Quel nom pour extirper le pays d’une crise politique sans précédent? François Bayrou, le fidèle allié centriste qui attend toujours son heure et semble cette fois favori? Ou bien l’ancien Premier ministre Bernard Cazeneuve, pour récompenser les gages donnés par le Parti socialiste (PS)? A moins qu’un autre prétendant soit préféré à ces deux ténors.
Jeudi après-midi, plusieurs députés du parti d’extrême droite Rassemblement national (RN) ont marqué successivement sur le réseau social X leur hostilité à une nomination de Roland Lescure, ex-ministre macroniste de l’Industrie dont le nom a aussi circulé depuis mercredi.
Des sources parlementaires ont confirmé que le nom de ce député social-libéral des Français établis en Amérique du Nord, qui avait critiqué le poids du parti de Marine Le Pen dans la naissance du gouvernement Barnier, était en effet sur la table. Il s’est rendu mercredi à l’Elysée… Pour la remise de la Légion d’honneur à l’entrepreneur québecois Serge Godin, selon son entourage.
C’est «sérieux», avance même l’entourage du ministre démissionnaire de l’Intérieur, Bruno Retailleau, assurant que ce serait un «gros problème» pour son parti LR, car Roland Lescure «porte une ligne inverse» sur l’immigration.
«Mais personne n’est accordé autour du président», tempère un proche d’Emmanuel Macron. Le chef de l’Etat a tenté de s’assurer ces derniers jours que le futur exécutif bénéficiera d’un «pacte de non-censure» de la part notamment du Parti socialiste, voire des Ecologistes.
François Bayrou propose de longue date au président un gouvernement de ténors susceptibles de convaincre suffisamment de députés, sans attendre un accord formel entre les chefs de parti.
Le premier secrétaire du PS Olivier Faure avait refusé publiquement mercredi l’option Bayrou, plaidant pour un Premier ministre de gauche. «Les Français veulent un peu d’enthousiasme, d’élan, de souffle, un truc nouveau quoi», a lancé à son tour jeudi la patronne des Ecologistes Marine Tondelier.
Elle a rejeté ceux qui incarnent le «passé» à ses yeux: François Bayrou mais aussi l’ex-socialiste Cazeneuve, que le président avait consulté formellement en septembre sans toutefois le nommer, mais dont la cote semble être remontée ces dernières heures.
Dans l’aile droite de la macronie, on préférerait l’inamovible ministre des Armées Sébastien Lecornu, très proche du président, ou sa collègue Catherine Vautrin.
Il y a en tout cas urgence. La chute de Michel Barnier, renversé lors d’une censure inédite depuis 1962, laisse le pays sans budget pour 2025. Un projet de loi spéciale pour éviter une paralysie de l’Etat démarre son parcours parlementaire express qui devrait rapidement permettre son adoption. Mais il ne permet pas de reconduire de nombreuses dispositions anciennes ou nouvelles favorables aux Français et aux entreprises.
Les annonces de plans sociaux se multiplient actuellement dans le pays (métallurgie, commerce, secteur public et associatif, banques et assurances, chimie…). Jeudi, quelque 130 rassemblements et manifestations «pour l’emploi et l’industrie» ont eu lieu à travers la France à l’appel de syndicats, sans rassembler de grandes foules.