Le réseau social rémunère ceux qui incitent des amis à télécharger l’application. Un programme de récompenses qui ressemble beaucoup à celui interdit cette année en Europe
Des réseaux sociaux qui rémunèrent les créateurs de contenu qui suscitent le plus de clics, voilà une pratique courante sur ce marché. Mais des réseaux sociaux qui donnent de l’argent à de simples utilisateurs, voilà qui est exceptionnel. Et parmi toutes ces plateformes, l’une d’elles est particulièrement agressive avec ce marketing: TikTok.
Cette semaine, le réseau social édité par la société chinoise ByteDance a lancé un nouveau programme de rémunération de ses utilisateurs. Repéré initialement par Bloomberg, il leur offre des centaines de dollars pour passer du temps dans l’application, inviter des amis à la rejoindre et acheter des produits sur TikTok Shop. Concrètement, il est possible de gagner 50 dollars en incitant des personnes à s’inscrire pour la première fois sur TikTok et même recevoir 350 dollars supplémentaires s’ils en recrutent d’autres. Les utilisateurs peuvent également gagner de l’argent en se connectant à l’application tous les jours pendant une semaine et en faisant défiler 10 articles de la boutique TikTok cinq fois par semaine.
Une partie de la rémunération est obtenue via des crédits à utiliser dans le «Shop» de TikTok, une plateforme de vente en ligne que la société chinoise veut développer à toute vitesse aux Etats-Unis. Ce programme de récompense, pour l’heure uniquement disponible outre-Atlantique, semble avoir deux objectifs. Le premier, c’est de consolider sa présence aux Etats-Unis, où TikTok revendique déjà 170 millions d’utilisateurs réguliers. Le deuxième, c’est de tenter de démontrer l’importance de l’app pour l’économique américaine – TikTok revendique ainsi 100 millions de dollars de vente lors du Black Friday via sa plateforme de vente en ligne.
Le contexte, c’est bien sûr la volonté de Washington de forcer ByteDance à vendre TikTok, sous peine d’être interdit aux Etats-Unis. Vendredi dernier, une cour d’appel fédérale de Washington avait rejeté le recours du réseau social contre cette décision s’assimilant à un bannissement. Cette décision met la plateforme sous pression, le Congrès ayant fixé au 19 janvier l’application du texte voté en avril. ByteDance va désormais saisir la Cour suprême. A noter que Donald Trump s’est positionné, durant sa campagne, en fervent défenseur de TikTok – mais son influence sur la suite du processus judiciaire est incertaine.
Il est aussi intéressant d’analyser ce programme de rémunération proposé par la plateforme dans un contexte à plus long terme. En avril dernier, TikTok lançait dans de nombreux pays une application parallèle, appelée «Lite», offrant un vaste système de récompense. L’utilisateur recevait des pièces virtuelles: 300 pour son inscription sur l’app, 150 pour aimer («liker») trois vidéos, 130 pour suivre trois créateurs… Et utiliser l’application dix jours de suite permettait d’engranger jusqu’à 4500 pièces. Le temps de visionnage était aussi récompensé: 150 pièces pour une minute, 750 pièces pour cinq minutes ou 4200 pour vingt-cinq minutes. L’utilisateur pouvait ensuite convertir ces pièces virtuelles en bons d’achat chez Amazon.
Cette pratique avait attiré l’attention de la Commission européenne, qui avait ouvert une procédure contre ByteDance. «Le temps de cerveau disponible des jeunes Européens n’est pas une monnaie d’échange pour les réseaux sociaux», avait notamment affirmé Thierry Breton, alors commissaire européen au Numérique. Sous pression, ByteDance avait alors décidé de retirer l’app TikTok Lite du marché européen.
En parallèle, ByteDance poursuit l’expansion de sa plateforme en ligne Shop: elle a été lancée cette semaine en Espagne, et pourrait rapidement être étendue à la France ou à l’Allemagne. L’idée est d’engranger ainsi de nouveaux revenus, mais aussi de s’attaquer à des plateformes comme Amazon, Temu ou Shein.