Dans «Une Langue universelle», le Canadien Matthew Rankin retrouve sa ville natale bien changée. Sélectionné à Cannes et primé au récent GIFF, un regard poétique joliment décalé, qui cultive l’humour à froid
La semaine dernière, on se désolait des bizarreries inopérantes du prometteur Grand Tour, du Portugais Miguel Gomes, Prix de la mise en scène à Cannes. Section parallèle du même festival, la Quinzaine des cinéastes présentait quant à elle au printemps Une Langue universelle, de Matthew Rankin, film canadien fondé lui aussi sur d’étranges décalages. A commencer par celui d’une ville de Winnipeg devenue persane, où tout le monde parlerait le farsi! Dans une succession de vignettes décousues avec un style calqué sur les films qui ont imposé les noms d’Abbas Kiarostami, Mohsen Makhmalbaf et Jafar Panahi, on se dit que la jolie idée de cet héritier de Guy Maddin – grand cinéaste surréaliste de Winnipeg – va vite plafonner. Et puis, miracle, tout se met au contraire en place pour donner un film étrangement enchanteur et habité. Comme quoi, il convient parfois de se méfier des réputations…
La séquence d’ouverture dans une classe d’école est un parfait démarquage du cinéma iranien des années 1980-1990, avec son gamin qui plaide qu’une dinde lui a volé ses lunettes, provoquant le désespoir du maître. Plus tard, deux fillettes découvrent un billet de 500 rials pris dans la glace (on est en hiver) et cherchent une solution pour le récupérer, dans l’idée de permettre au garçon de se racheter une nouvelle paire. Pendant ce temps, un guide fait découvrir à un petit groupe de touristes les «curiosités» de la ville: une jungle de grands bâtiments modernes, aux rares souvenirs historiques rapetissés d’autant, comme cette stèle à la mémoire de Louis Riel, père fondateur controversé du Manitoba, située à la pointe d’une intersection autoroutière.
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