ÉDITORIAL. La Commission européenne pourrait imposer à la Chine le transfert de technologie que celle-ci a appliquée ces dernières décennies. Mais rien n’indique que Pékin accepterait de livrer si facilement les clés de la fabrication des très stratégiques batteries de voitures
C’est une petite musique qui monte avec toujours plus d’insistance. Elle en dit long sur le marasme dans lequel patauge l’industrie automobile européenne, acculée par la concurrence des voitures électriques chinoises.
Après avoir introduit il y a quelques semaines des taxes sur l’importation de ces véhicules, Bruxelles plancherait donc sérieusement, selon le Financial Times, sur un scénario évoqué depuis des mois: associer les investissements de l’Empire du Milieu dans le plus grand marché du monde à des coentreprises et à un transfert de technologie. Rien de surprenant si l’air vous paraît connu: il ressemble trait pour trait à la méthode imposée par la Chine il y a plus de 40 ans pour ouvrir son marché à l’Occident.
La première mesure a déjà été adoptée par le groupe Stellantis. Le fabricant des marques Peugeot, Fiat et Chrysler est devenu l’actionnaire majoritaire de la société Leapmotor International. Fondée en 2023 avec le constructeur chinois du même nom, l’entreprise écoule depuis quelques semaines en Europe des petites citadines à des prix défiant toute concurrence. Nul n’a en revanche pu obtenir la très convoitée recette de fabrication à grande échelle des stratégiques batteries pour lesquelles la Chine a une avance imparable.
Forte de ce constat, la Commission européenne envisage donc d’imposer à Pékin l’ouverture de certains brevets contre l’implantation de ses usines. Aussi humiliante qu’elle soit, cette solution paraît bien la seule qui se présente à l’équipe de la présidente, Ursula von der Leyen. Il faut dire qu’en signant l’arrêt de mort des nouveaux véhicules à moteur thermique pour 2035 elle a ouvert la boîte de Pandore. Si l’échéance est souhaitable pour le climat, elle est trop proche pour des acteurs européens qui se sont trop longtemps repus de pétrole.
A leur décharge, il faut rappeler combien il est difficile pour des industries gourmandes en capital d’opérer un virage technologique radical. Cela ne nous empêche pas de relever à quel point le Vieux-Continent a fait preuve d’aveuglement dans sa soif de conquête économique de l’Empire du Milieu. En se demandant au passage où est passée l’excellence technologique dont l’Europe ne cesse de se vanter, on ne peut que méditer le célèbre proverbe chinois selon lequel l’idiot regarde le doigt quand le sage montre la lune. Pendant que les Peugeot et autres VW se réjouissaient d’écouler leurs vieux modèles, le dragon chinois préparait tranquillement la transition énergétique.
Bruxelles a évidemment bien raison de tout faire pour éviter le pire. Il est toutefois permis de douter que Pékin accepte de se dévêtir aussi facilement que l’Europe ne l’a fait. Il semble d’ailleurs que les autorités chinoises ont déjà conseillé à leurs principaux fabricants de voitures de reconsidérer leurs investissements sur le Vieux-Continent.