La confusion a été totale à Séoul et dans tout le pays. Yoon Suk-yeol avait proclamé la loi martiale mais une partie des députés ont invalidé la décision en session plénière urgente, poussant le pouvoir a revenir en arrière. L’armée a dû forcer les portes de l’Assemblée nationale, qu’elle a quittée après des heurts
La Corée du Sud a failli plonger dans le chaos entre mardi et mercredi après que son président, Yoon Suk-yeol, a proclamé mardi la loi martiale. Une décision contestée dans la foulée par un vote de l’Assemblée nationale, où l’opposition est majoritaire et devant laquelle des manifestants se sont rassemblés à son appel. Quelques heures plus tard, Yoon Suk Yeol a déclaré que la loi martiale allait être levée et que les troupes déployées dans Séoul allaient se retirer.
«Il y a eu une demande de l'Assemblée nationale pour lever l'état d'urgence, et nous avons procédé au retrait des militaires qui avaient été déployés pour les opérations de loi martiale», a déclaré le président à la télévision. «Nous allons accéder à la requête de l'Assemblée nationale et lever la loi martiale lors d'une réunion du gouvernement», a-t-il ajouté.
«Pour protéger la Corée du Sud libérale des menaces posées par les forces communistes nord-coréennes et éliminer les éléments hostiles à l’Etat […], je déclare la loi martiale», avait annoncé plus tôt le président en direct dans une allocution télévisée surprise. La loi martiale n’avait plus été instaurée en Corée du Sud depuis le processus de démocratisation enclenché à la fin des années 1980. «Sans se soucier des moyens de subsistance du peuple, le parti d’opposition a paralysé le gouvernement […] pour protéger son leader de poursuites judiciaires», avait accusé le président.
Durant la courte durée de la loi martiale, toutes les activités politiques avaient été interdites et les médias placés sous la surveillance du gouvernement, avait déclaré le chef de l’armée, Park An-su, dans un communiqué. Des hélicoptères ont atterri sur le toit du parlement à Séoul, d’après des images en direct diffusées par les chaînes de télévision.
Le chef de l’opposition sud-coréenne, Lee Jae-myung, a qualifié la loi martiale d’«illégale» et avait appelé la population à se rassembler devant le parlement en signe de protestation. «L’imposition illégale de la loi martiale par le président Yoon Suk-yeol est invalide», avait déclaré celui qui avait perdu de justesse face à Yoon Suk-yeol lors des élections de 2022. «Venez à l’Assemblée nationale maintenant. Je m’y rends également», avait-il ajouté.
Des centaines de personnes ont entendu son appel, affluant devant le parlement, à partir de 1h du matin (17h en Suisse), chantant «Arrêtez Yoon Suk-yeol». «J’ai d’abord cru que c’était une information bidon, je ne pouvais pas croire à la loi martiale. Après, j’ai décidé de venir ici pour protéger la démocratie, pas seulement pour nous mais aussi pour nos enfants», a déclaré à l’AFP dans la foule Lee Jin-hwa, 48 ans.
190 députés sont parvenus à entrer dans le bâtiment, après en avoir été brièvement empêchés par des soldats qui ont fini par quitter les lieux. Mais le déroulement des événements n’est pas encore totalement clair. Dépêché sur place, un journaliste de la chaîne YTN indique que les forces armées ont brisé les fenêtres de l’Assemblée nationale pour rejoindre le bâtiment, dont l’entrée était bloquée par divers objets déplacés par les parlementaires de l’opposition. La chaîne hongkongaise Phoenix TV a fait état d’affrontements entre les troupes de l’armée sud-coréenne et les membres du congrès.
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— 鳳凰資訊 PhoenixTV News (@PhoenixTV_News) December 3, 2024
Dans le bâtiment, les députés ont voté à l’unanimité en faveur d’une motion bloquant l’application de la loi martiale et appelant à sa levée, comme le rapportent plusieurs médias, dont Sky News et The Korea Herald. «Sur les 190 députés présents, 190 se sont prononcés en faveur de la résolution demandant la levée de la loi martiale, qui est donc adoptée», a déclaré le président de l’Assemblée nationale, Woo Won-shik. «L’armée fera respecter la loi martiale jusqu’à sa levée par le président», avait immédiatement réagi l’état-major selon des médias locaux.
Les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont dit leur inquiétude, tandis que la Chine a appelé ses concitoyens en Corée du Sud à la «prudence». «Nous observons avec une grande inquiétude les récents développements» en Corée du Sud, a déclaré Kurt Campbell, adjoint du secrétaire d’Etat américain. «Nous espérons et attendons que les différends politiques soient résolus pacifiquement et dans le respect de l’Etat de droit.»
Le Parti du pouvoir au peuple de Yoon Suk-yeol continue de batailler avec le principal parti d’opposition, le Parti démocrate, sur le projet de budget de l’année prochaine. Les députés de l’opposition ont approuvé la semaine dernière, à travers une commission, un programme budgétaire considérablement réduit.
«Notre Assemblée nationale est devenue un refuge de criminels, un repaire de dictature législative qui cherche à paralyser les systèmes administratif et judiciaire et à renverser notre ordre démocratique libéral», avait affirmé le président pour justifier l’instauration de la loi martiale.
Il avait accusé les élus de l’opposition de couper «tous les budgets essentiels aux fonctions premières de la nation qui sont la lutte contre les crimes liés à la drogue et le maintien de la sécurité publique […], transformant le pays en un paradis de la drogue et en un lieu de chaos pour la sécurité publique». Il avait poursuivi en qualifiant l’opposition de «forces hostiles à l’Etat ayant l’intention de renverser le régime». «Je rétablirai la normalité dans le pays en me débarrassant de ces forces hostiles à l’Etat dès que possible», avait ajouté le président, dont la cote était en chute libre dans les sondages.
La loi martiale n’avait plus été instaurée en Corée du Sud depuis le processus de démocratisation enclenché à la fin des années 1980, y compris à des périodes de vives tensions, comme en 2016, lorsque des millions de manifestants ont obtenu la destitution de la présidente, Park Geun-Hye, sur fond de scandale de corruption. Elle avait été décrétée pour la dernière fois le 17 mai 1980, lors du coup d’Etat militaire du général Chun Doo-hwan.
Le lendemain, des centaines de milliers de personnes étaient descendues dans les rues de Gwangju (Sud-Ouest), haut lieu traditionnel de la contestation, pour protester contre le coup d’Etat. Chun Doo-hwan voulait remplir le vide du pouvoir après l’assassinat du dictateur Park Chung-hee. Les manifestations avaient été réprimées dans un bain de sang. La loi martiale avait été levée en janvier 1981.