A quel moment le sport a-t-il infiltré nos dressings quotidiens? Comment les vêtements initialement conçus pour la performance sportive sont-ils devenus des icônes de mode, adaptées à la rue, au bureau et même aux défilés de haute couture? Telles sont les questions captivantes auxquelles l’exposition «Mode et sport, d’un podium à l’autre» au Musée Olympique s’efforce de répondre
Des premiers vêtements purement fonctionnels aux tenues (ultra-)techniques des sportifs d’élite, l’exposition invite à découvrir comment le sport a influencé notre manière de s’habiller bien au-delà des stades. Comment a-t-il su conquérir la rue, les podiums de défilés et même le luxe? En revisitant cette transformation étape par étape, l’interaction croissante entre le monde de la mode et celui du sport, les deux s’inspirant mutuellement pour créer des vêtements qui reflètent la modernité et les valeurs d’une époque.
Les origines de la mode sportive remontent à l’Antiquité. Dans la Grèce antique, les athlètes concouraient souvent nus, une coutume qui exaltait le corps et maximisait la liberté de mouvement. Les activités physiques faisaient partie intégrante de la culture grecque, notamment avec les Jeux Olympiques où l’on célébrait la force, la vitesse et l’agilité. L’idée de performance optimisée par un vêtement n’apparaît que bien plus tard.
Dès la fin du XVIIIe siècle, l’aristocratie apprécie la pratique d’activités physiques de plein air, comme l’équitation ou le tir à l’arc. Mais ces pratiques s’accompagnent de codes vestimentaires stricts, bien éloignés du confort et de la flexibilité.
Il faut attendre le XIXe siècle pour que le mot «sport» prenne le sens qu’on lui connaît aujourd’hui. Les classes aisées s’adonnent à de nouveaux sports, comme le tennis ou le golf, mais continuent de porter des vêtements élégants et encombrants. Comme dans leur vie quotidienne, les femmes portent des corsets et des jupes longues. En revanche, les nouveaux sports collectifs, vite devenus populaires malgré leur origine élitiste (football, rugby) sont l’occasion de porter des tenues enfin adaptées au mouvement. Le maillot en jersey et les chaussures à crampons font partie de ces premières adaptations.
Dans la première moitié du XXe siècle, l’univers sportif gagne en popularité, non seulement comme activité mais aussi comme spectacle. Avec la création de compétitions internationales telles que les Jeux Olympiques modernes, l’attention portée à la tenue des athlètes s’intensifie. On cherche à améliorer la performance par des vêtements réfléchis spécifiquement pour chaque discipline sportive.
Les années 1920 et 1930 voient l’émergence des premiers vêtements spécifiquement conçus pour le sport. Le survêtement, qui comme son nom l’indique, se porte par-dessus les habits, se démocratise pour l’échauffement et la récupération après l’effort. Le sport devient peu à peu un loisir accessible à une plus large population. T-shirts et shorts en sont l’uniforme.
A la même époque, certains athlètes commencent à être très médiatisés. Suzanne Lenglen, la championne de tennis française habillée par le grand couturier Jean Patou, incarne une nouvelle esthétique sportive, faite d’élégance et de confort. Grâce à l’engouement pour le sport et ses célébrités, la haute couture propose désormais un style «sport», plus décontracté mais toujours aussi raffiné.
Matériaux et performance: la révolution synthétique
Après la Seconde Guerre mondiale, l’industrialisation des textiles et la pétrochimie ouvrent la voie à de nouveaux matériaux qui viennent révolutionner les vêtements de sport. Les années 1960 et 1970 voient l’arrivée de textiles synthétiques comme le polyester, le nylon et surtout l’élasthanne. Ces matériaux sont légers, élastiques, et permettent une meilleure gestion de la transpiration. L’élasthanne permet d’obtenir un vêtement moulant qui suit les mouvements du corps sans le contraindre. La natation puis la gymnastique s’emparent rapidement de ces nouvelles possibilités.
Cette avancée technique coïncide avec l’émergence de la culture fitness. A partir de la fin des années 1970, le corps sculpté à la salle de sport et dans les cours d’aérobic devient un idéal à atteindre. Les leggings et bodys aux couleurs fluos accompagnent ce mouvement, tout comme les baskets de marque adaptées à chaque discipline. Le sportswear sort des salles pour envahir les dressings, marquant les prémices de la fusion entre sport et mode. Le survêtement, quant à lui, prend des significations ambivalentes, à la fois proposé par les grandes maisons de luxe et adopté par la culture rebelle hip-hop.
Années 1990 et 2000: le sport devient tendance
Les années 1990 marquent une nouvelle étape pour le sportswear. La popularité croissante du streetwear, influencé par les cultures urbaines, fait du style sportif un symbole de jeunesse et de contestation. Des marques comme Nike, Adidas et Fila deviennent des icônes de mode, en particulier dans les villes, où leurs logos et leurs baskets s’affichent partout. Le sportswear devient un signe d’appartenance culturelle.
Dans les années 2000, cette influence se renforce avec des collaborations entre marques de luxe et équipementiers. Des partenariats comme celui entre Adidas et le créateur Yohji Yamamoto, qui fondent ensemble la marque Y-3, montrent que le sportswear a désormais sa place dans la mode officielle. La culture de la performance et du bien-être s’inscrit durablement dans les mœurs, et les vêtements de sport deviennent des symboles de succès, de dynamisme et d’autodiscipline.
Dans les dernières années, la tendance athleisure se développe à toute vitesse. Ce style, qui mélange vêtements sportifs et mode de tous les jours, souligne la recherche de confort et de polyvalence. Les leggings, les hoodies et les baskets sont aujourd’hui autant portés pour le sport que pour le quotidien. Les codes vestimentaires ont évolué, et les vêtements de sport sont désormais acceptés dans des contextes autrefois réservés aux tenues formelles.
Cette tendance est également propulsée par des athlètes de renom, devenus de véritables icônes de mode, à l’image des sœurs Williams. Elles collaborent avec des marques ou fondent leurs propres labels pour créer des collections alliant mode et performance. Les vêtements de sport ne se contentent plus d’être pratiques, ils sont devenus des symboles de valeurs positives associées à la compétition: persévérance, dépassement de soi ou encore esprit d’équipe.
En examinant les connexions entre ces deux univers apparemment opposés, l’exposition Mode et sport, d’un podium à l’autre met en lumière la manière dont les vêtements de sport, initialement conçus pour répondre à des besoins fonctionnels, sont devenus des pièces incontournables de la mode, influençant durablement les styles à travers les générations.
On y découvre également que la mode n’a jamais cessé d’influencer le vêtement porté pour l’activité sportive, du tennis chic du XIXe siècle jusqu’à Andre Agassi en jean et couleur fluo sur la terre battue. Le sport et la mode fusionnent désormais pour répondre aux exigences de performance et de style de notre époque. Chaque domaine tire parti des valeurs positives portées par l’autre. Plus qu’un choix d’apparence, les vêtements de sport incarnent aujourd’hui des valeurs universelles, telles que la liberté de mouvement, l’innovation et la modernité.
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