ÉDITORIAL. En vertu de son programme «America First», le 47e président des Etats-Unis pourrait asséner à la Genève internationale un coup dangereux en sabrant dans les contributions états-uniennes aux agences onusiennes présentes en force au bout du Léman

L’arrivée de Donald Trump à la Maison-Blanche le 20 janvier prochain aura des effets considérables sur le fonctionnement de la démocratie américaine. Elle aura aussi de graves répercussions sur la scène internationale. En plaçant au poste d’ambassadrice états-unienne à l’ONU à New York Elise Stefanik, qui a régulièrement appelé à cesser de financer les Nations unies, le milliardaire républicain donne le ton.

Le multilatéralisme représente tout ce que Donald Trump exècre: il traduit l’art du compromis, le sens du bien commun et les efforts collectifs entrepris pour résoudre les problèmes globaux dont la lutte contre le changement climatique et contre les pandémies. Le futur 47e président des Etats-Unis promet d’être disruptif. Face à lui, les diplomates établis dans la Cité de Calvin ne cachent plus leurs craintes.

La Genève internationale est en effet en première ligne. L’énorme soutien financier américain dont dépend fortement la ville du bout du Léman constitue, à l’ère du trumpisme, une vulnérabilité préoccupante. Si Donald Trump tranche massivement dans les contributions états-uniennes aux hauts-commissariats de l’ONU pour les réfugiés et aux droits de l’homme, à l’OMS voire à l’OMC, il sapera l’écosystème international genevois. Or la raison d’être de ce dernier est le multilatéralisme, la quête de solutions globales aux fléaux qui affligent notre planète. En prônant son «America First», une Amérique centrée sur elle-même, le milliardaire républicain ne fait qu’accélérer la tendance au repli national vue dans nombre de pays emportés par une déferlante populiste.

Le moment est à prendre très au sérieux. Une marginalisation de la Genève internationale équivaudrait à celle de la politique étrangère de la Suisse et de son rôle sur la scène internationale. A l’heure où la Confédération achève un mandat de deux ans au Conseil de sécurité de l’ONU, ce serait un terrible retour en arrière. L’UDC, qui plaide elle aussi pour un repli identitaire, en mesure-t-elle toutes les conséquences pour la Suisse et le monde? Rendre l’écosystème international genevois plus résilient exigerait que davantage de pays contribuent à financer les Nations unies, pour le bien de l’humanité. Mais pour l’heure, les Etats ne se bousculent pas au portillon.

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Quant à Donald Trump, qui veut rendre sa grandeur à l’Amérique, il risque en réalité de l’affaiblir. La puissance américaine s’est construite en établissant un ordre international dont l’ONU est le fondement. En sabotant l’organisation multilatérale, Donald Trump contribuera à miner l’ordre mondial d’inspiration américaine et l’assise des démocraties.