A l’issue de pourparlers tendus qui se sont tenus à Genève vendredi, la République islamique a convenu avec l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni de continuer le «dialogue diplomatique»
L’Iran, l’Allemagne, la France et le Royaume-Uni ont convenu de continuer le «dialogue diplomatique» après des discussions «franches» à Genève vendredi sur le programme nucléaire de Téhéran seulement deux mois avant le retour de Donald Trump aux affaires. La réunion vendredi matin s’est déroulée dans le plus grand secret au bord du Léman. Si l’on n’a pas de détail sur la teneur des discussions, les diplomates des quatre pays sont tombés d’accord pour «continuer le dialogue diplomatique dans un avenir proche», si l’on en croit les messages postés sur le réseau social X.
L’envoyé iranien, Kazem Gharibabadi, adjoint du ministre iranien des Affaires étrangères, a pour sa part évoqué des discussions «franches» pour faire le point sur les récents développements bilatéraux, régionaux et internationaux, en particulier sur les questions nucléaires et la levée des sanctions. Contrairement à ses homologues européens, il a commenté un peu plus avant.
«Nous sommes fermement engagés à défendre les intérêts de notre peuple et notre préférence va à la voie du dialogue et de l’engagement», a-t-il écrit. Une réunion dans un format similaire, dit «Iran E3» s’était tenue à New York en marge de l’Assemblée générale de l’ONU. Mais l’enjeu des pourparlers a été clairement exposé par le chef espion britannique lors d’une visite à Paris vendredi matin. Les ambitions nucléaires iraniennes font peser une «menace sécuritaire» majeure sur le monde, a affirmé Richard Moore.
«Les milices alliées de l’Iran au Moyen-Orient (Hamas et Hezbollah) ont souffert de sérieux revers. Mais les ambitions nucléaires du régime continuent de nous menacer tous», a averti le patron du MI6, qui s’exprimait aux côtés de son homologue français, le patron de la DGSE Nicolas Lerner. Les échanges par réseau social interposé, après une première réunion jeudi sur les bords du Léman entre diplomates iraniens et l’Union européenne, donnaient aussi une idée du ton de la rencontre de vendredi.
Le numéro deux de la diplomatie européenne, Enrique Mora, avait évoqué sur X une «discussion franche» avec Majid Takht-Ravanchi et Kazem Gharibabadi, deux adjoints du ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi.
Côté iranien, on fait valoir que l’Europe n’a «pas réussi à être un acteur sérieux» sur la question du nucléaire après le retour de sanctions américaines et on appelle l’UE à abandonner un comportement «irresponsable», en particulier concernant la guerre en Ukraine et Gaza. A la situation difficile des alliés de Téhéran vient s’ajouter le retour à la Maison Blanche de Donald Trump, artisan d’une politique dite de «pression maximale» envers l’Iran durant son premier mandat.
L’Iran espère donc arrondir les angles avec les Européens, tout en faisant preuve de fermeté. Dans un entretien au quotidien britannique The Guardian publié jeudi, Kazem Araghchi a ainsi expliqué que l’Iran pourrait se doter de l’arme nucléaire si les Européens réimposaient des sanctions. La France, l’Allemagne et le Royaume-Uni, associés aux États-Unis, ont réussi à faire adopter une résolution dans le cadre de l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) reprochant à l’Iran son manque de coopération sur le nucléaire.
En riposte, Téhéran avait annoncé vouloir mettre en service de nouvelles centrifugeuses «avancées», ce que l’AIEA a confirmé dans un rapport confidentiel dont l’AFP a obtenu copie vendredi. L’agence, chargée de surveiller le programme nucléaire iranien, a indiqué que Téhéran voulait installer quelque 6000 nouvelles centrifugeuses pour enrichir de l’uranium à un faible niveau.
«L’Iran a informé l’agence» de son intention de mettre en service ces machines sur les sites de Fordo et Natanz pour un taux d’enrichissement allant jusqu’à 5%, soit légèrement au-dessus de 3,67% autorisés par un accord international de 2015 mais loin du matériel fissile enrichi à 60% que Téhéran produit déjà. Cela «va clairement dans la mauvaise direction, l’Iran fait croire qu’il réagit à une résolution du conseil des gouverneurs (de l’AIEA), mais au vu de la situation nous disons que l’impératif du moment pour l’Iran devrait être à la désescalade», a souligné depuis Berlin un porte-parole des Affaires étrangères allemandes. Les Iraniens défendent un droit au nucléaire à des fins civiles et nient vouloir se doter de l’arme atomique, ce dont les Occidentaux les soupçonnent fortement.
Dans ce contexte, Kazem Araghchi a fait preuve de «pessimisme» sur l’issue des discussions de Genève, selon le quotidien britannique. En 2015, l’Iran avait conclu à Vienne un accord avec la France, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Chine, la Russie et les États-Unis pour encadrer son programme nucléaire. Le texte prévoyait en contrepartie un allègement des sanctions internationales contre Téhéran.
Mais en 2018, Donald Trump, devenu président des États-Unis, avait retiré unilatéralement son pays de l’accord – auquel se conformait Téhéran, selon l’AIEA – et rétabli de lourdes sanctions à l’encontre de l’Iran. En représailles, Téhéran a considérablement augmenté ses réserves d’uranium enrichi et porté le degré d’enrichissement à 60%, proche des 90% nécessaires pour fabriquer une arme atomique.