Le Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge consacre une exposition à «l’acoustique de l’émotion». Grâce à des archives, mais aussi à des œuvres d’art, on y réalise à quel point l’humanitaire passe par la voix, et par la musique aussi

Performances et installations sonores figurent aujourd’hui au cœur de nombreux rendez-vous artistiques. Au Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, l’exposition Tuning in – Acoustique de l’émotion mêle des œuvres d’art à une exploration des archives sonores du Comité international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (CICR), également accessibles sur le site Avarchives.icrc.org, et des sociétés de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge (IFRC). Des milliers d’heures d’enregistrements sont ainsi mises en valeur, allant de témoignages du terrain à des débats sur le droit international humanitaire en passant par des campagnes d’information. S’y ajoutent des objets et photographies de la collection du musée.

L’une des pièces audibles les plus anciennes dans l’exposition provient d’un disque gravé par la Croix-Rouge allemande en 1941. Dans les sillons, redécouverte cette année grâce à une collaboration avec l’EPFL et les Musée et Studios Gecko, la voix d’un soldat allemand. Il rassure sa femme sur sa vie à Paris, où il peut faire du tourisme.

Une guitare de fortune

Des photographies témoignent de la présence de la musique dans les prisons et dans les camps, y compris pendant la Seconde Guerre mondiale, qu’elle soit jouée par des infirmières de la Croix-Rouge ou par les personnes incarcérées. Des instruments font d’ailleurs partie du millier d’objets réalisés en détention que possède le musée. Comme cette guitare que le prisonnier mozambicain Alberto Pequenino Macamo a fabriquée avec des boîtes de lait en poudre et offerte à des délégués du CICR en 1989.

On le sait, la musique n’adoucit pas toujours les mœurs. Elle peut aussi véhiculer des messages peu humanitaires. Et même quand elle se fait charitable, s’embourber quelque peu dans des visions stéréotypées des régions dévastées, comme ces clips produits selon le même principe: on y voit toujours chanteuses et chanteurs dans l’urgence de l’enregistrement, casque sur les oreilles, entonner des refrains pleins de bons sentiments pour l’Ethiopie ou l’Arménie.

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Travail de mémoire

Un artiste comme William Kentridge utilise la musique pour sa force émotionnelle et sa capacité à accompagner un travail de mémoire et de conscience, comme on peut le voir dans le film d’animation City Deep. Son dessin montre un musée, la Johannesburg Art Gallery, grignoté, sapé par les mineurs informels dans les restes d’une exploitation aurifère.

On écoutera – et on visualisera – les expérimentations de l’artiste et compositeur italien Piero Mottola ou les réflexions sur l’amour confiées au micro de Dana Whabira par l’écrivaine angolaise Suzana Sousa. Et l’on terminera le parcours imprégné de sons, mais aussi habité par les silences qui le ponctuent, comme dans toute bonne composition musicale. On appréciera particulièrement la finesse des partitions abstraites de Betty Damon et les vidéos de Christine Sun Kim et Thomas Maeder, inspirées par les recherches gestuelles d’Andreas Citrau pour faciliter la communication entre personnes entendantes et non entendantes.

Notons encore que des étudiants du bachelor son de l’Edhéa, à Sierre, ont mis en espace leur sélection d’enregistrements des IFRC alors que d’autres, du Centre interfacultaire en sciences affectives de l’Université de Genève, ont utilisé les archives du CICR pour analyser les effets de la voix sur le psychisme.


«Tuning in – Acoustique de l’émotion». Musée international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge, Genève, jusqu’au 24 août 2025.