ÉDITORIAL. La réouverture de Notre-Dame de Paris cinq ans après un incendie qui avait bouleversé la France cumule de nombreux symboles. Dans un pays en crise, le président Macron fait de ce moment un outil politique. Mais il en faudra davantage pour rasséréner nos voisins
«On a un problème.» C’est ainsi, selon les récits des médias français, que Brigitte Macron interpelle son mari, le lundi 15 avril 2019, alors qu’il est en train d’enregistrer une allocution télévisée censée répondre à la crise des Gilets jaunes. Notre-Dame de Paris brûle. Discours annulé, gestion d’une nouvelle crise, vraie émotion du chef de l’Etat. Et cette promesse, critiquée çà et là mais jamais contredite par les experts: le monument sera réhabilité d’ici cinq ans.
Ce lustre, on y est. Autoproclamé chef de chantier et obsédé par la mission – le bourdon du beffroi sud, deuxième plus grande cloche de France, ne s’appelle-t-il pas Emmanuel? –, le président effectue sa dernière visite ce 29 novembre, avant la réouverture le 7 décembre.
Diriger un pays, c’est un chemin de croix. Le président, parfois messie lorsqu’il est en campagne, ne l’est rapidement plus une fois au pouvoir. Pas encore arrivé à la fin de son supplice – mais certains réclament sa démission –, Emmanuel Macron espère un moment de grâce pour cette séquence sur l’île de la Cité, au cœur de la capitale. Comme un second miracle cette année, après des Jeux olympiques à succès en été. Car pour le reste, autant le chef de l’Etat semblait acculé dans une France à feu et à sang en 2019, autant il s’est dangereusement rapproché du Golgotha en cette fin 2024. La posture de son gouvernement de semi-cohabitation est très fragile et son bilan s’écroule dans un pays financièrement à genoux.
Dans ce contexte, les festivités pour Notre-Dame sont d’une portée symbolique extrême. Elles oscillent entre chant du cygne et, comme les JO, célébration d’une forme de génie français, dans un pays capable de magnifier l’organisation d’un grand événement et d’encenser son patrimoine, surtout quand il est miraculé et brillamment restauré.
Dix jours après l’incendie, lors d’une conférence de presse remplaçant l’allocution annulée du 19 avril, Emmanuel Macron avait souligné la nécessité de «reconstruire l’art d’être Français». Evoquant par ailleurs les jeunes pompiers ayant sauvé l’édifice, il disait qu’ils incarnaient la solidité de la nation. On frise l’allégorie, mais il y a aussi un contraste terrible. Notre-Dame est bien reconstruite et, avec elle, comme cet été, une certaine fierté d’un peuple et de son chef; autour cependant, tout vacille. Il faudra davantage que des prières dans une cathédrale flambant neuve pour ressusciter la France. Et plus encore pour son président.