Un régime dérogatoire permet aux grands groupes français d’affilier leurs hauts cadres à la Lamal plutôt qu’à la Sécurité sociale. Un manque à gagner de 4 milliards sur 15 ans. La France, en proie à des difficultés budgétaires, a décidé de se retirer de cet arrangement

Alors que les discussions budgétaires s’enlisent à l’Assemblée nationale et font planer la menace d’une motion de censure à l’encontre du gouvernement de Michel Barnier, les comptes de l’Etat français voient chaque année s’échapper près de 300 millions d’euros en vertu d’un accord administratif avec la Suisse datant de 2009.

Selon ce règlement conclu entre les deux pays, les grandes entreprises multinationales françaises bénéficient d’un régime particulier pour leurs contributions aux cotisations sociales. Elles ont la possibilité de rattacher leurs hauts cadres à une filiale établie en Suisse, tout en les faisant travailler dans l’Hexagone pour une période déterminée. Ainsi, ces employés sont affiliés à Lamal et non à la Sécurité sociale, ce qui permet aux grands groupes de payer moins de cotisations sociales.

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Un poids pour le gouvernement

Initialement, cet arrangement a été conclu à la demande de la France, précise l’Office cantonal des assurances sociales (OFAS), «dans le but de favoriser la mobilité transfrontalière des travailleurs entre les sociétés de groupes de dimension internationale, en tenant compte des besoins et spécificités qui leur sont propres». Le manque à gagner pour les finances françaises est notamment pointé du doigt dans un rapport confidentiel de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection des affaires sociales qu’a pu consulter Franceinfo.

«Une vingtaine de grands groupes français utilisent ce système, comme Total gestion international SA, Renault Nissan Global management SA, ou encore Michelin Global Mobility SA. Le procédé ne concerne que peu de salariés, près de 4500 entre 2016 et 2022. Il s’agit de cadres payés plus de 500 000 euros annuels», précise le média français, citant le rapport qui relève que les bénéficiaires occupent «des fonctions en rapport avec le déroulement d’une carrière internationale» et peuvent bénéficier officiellement de cette dérogation pendant 6 ans. Selon le document des inspections françaises, également consulté par La Tribune, «82% des demandes de ce régime dérogatoire émanent de Total, Renault-Nissan et Michelin».

Cette spécificité – légale – représente une «perte» de 4 milliards d’euros en tout depuis l’entrée en vigueur de ce règlement franco-suisse, et ce alors que l’Etat français est régulièrement en proie à de vigoureux débats budgétaires et pointé du doigt par Bruxelles. «La semaine passée, les autorités françaises ont dénoncé cet arrangement administratif avec effet au 1er janvier 2025, tel que le permet ce dernier», rapporte l'OFAS.

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