Venu de l’underground, c’est à l’encre la plus noire qu’il crée ses bandes dessinées. D’obédience punk, le dessinateur, plasticien et cinéaste français Winshluss reçoit ce jeudi à Genève le Prix Töpffer
On a lu L’Enfer de Dante, on a lu Le Voyage au bout de la nuit, mais c’est dans le Pinocchio de Winshluss qu’on a trouvé les ténèbres les plus drues, le désespoir le plus cru. Le dessinateur œuvre au noir le conte de Collodi. Il évacue la Fée bleue mais intègre Blanche-Neige, tombée entre les pattes de sept nains psychopathes. Gepetto est un savant fou, qui crée un robot de destruction massive aux allures de garçonnet. Pinocchio fait exploser sa maman lubrique et provoque la faillite de l’usine Stromboli en fabriquant des jouets meurtriers.
Le pantin d’acier part s’amuser dans l’Ile enchantée, un Disneyland déglingué sur lequel règne un clown maléfique qui inculque aux enfants la haine et l’esprit de meute: ce n’est pas en ânes mais en loups que se métamorphosent les gosses. Pendant ce temps, Gepetto croupit dans le ventre de Monstro, un poisson irradié mutant… Il y a encore des raclées, des injustices, des suicides, un pingouin kamikaze et deux lueurs d’espoir: Blanche-Neige trouve l’amour et Pinocchio une famille. Ces menues concessions au bonheur n’altèrent en rien la grandeur tragique de l’œuvre.
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