ÉDITORIAL. Les permanences ne peuvent plus appliquer de taxes d’urgences à la suite d’une décision du Tribunal fédéral. Les assurances maladie ont arrêté de payer ces factures et demandent aux permanences leur remboursement sur cinq ans. Les patients, eux, sont perdants sur tous les tableaux
Au bout du fil, la pédiatre est en pleurs. Elle ne comprend pas l’acharnement des assurances à lui demander cinq ans d’arriérés de taxes d’urgences médicales. La somme à rembourser est colossale pour son petit cabinet de groupe, dont elle est salariée et cofondatrice. Des urgences pédiatriques, elle en voit tous les soirs, les week-ends et les jours fériés. Et la voilà aujourd’hui pénalisée par le simple fait qu’elle est salariée de sa propre structure. Elle n’a plus le droit de facturer les taxes d’urgences prévues dans le tarif médical. Deux arrêts du Tribunal fédéral tombés cet été le lui interdisent désormais. La pression est telle que la faillite sera difficilement évitable. Et les jeunes patients devront se diriger vers les services d’urgences des hôpitaux, déjà engorgés.
L’exemple de ce cabinet romand n’en est qu’un parmi plusieurs centaines d’autres à travers le pays. Depuis l’été, les missives des assurances pleuvent sur les centres d’urgences médicales et cabinets de groupe. A chaque fois, les montants réclamés font frémir. A chaque fois, la réaction est émotionnelle. Apeurés, certains négocient en catimini directement avec les caisses maladie. Peu osent parler ouvertement de cette crise qui les touche de plein fouet et qui fait paniquer l’entier du système de santé: de la Confédération aux cantons en passant par les sociétés médicales.
L’enjeu est double. Médical d’abord: les hôpitaux s’occupent des urgences vitales, mais s’ils sont submergés de cas moins graves, la prise en charge sera forcément dégradée. Pour les médecins, cela met vraiment en danger la population. Financier ensuite: de nombreux centres d’urgences médicales vont renoncer à ce service à la population faute de moyens et plusieurs seront contraints de fermer purement et simplement leurs portes. Un mauvais calcul en fait. Les petites urgences les moins chères du système sont celles réalisées par les médecins de premiers recours et celles des permanences. La facture d’une urgence traitée à l’hôpital y est deux à trois fois plus chère. En poussant les patients vers les services hospitaliers, les coûts de la santé vont augmenter. Et qui paiera la facture avec ses primes et ses impôts?
Les patients sont vraiment les dindons de la farce du système. Ils perdent sur tous les tableaux. Ils vont se retrouver avec des urgences saturées et des coûts de la santé en hausse. Et ils ne verront pas non plus la couleur des taxes d’urgences qu’ils ont souvent payées de leur poche, franchises obligent, puisque les millions que les assureurs entendent récupérer finiront dans leurs réserves.