Ce mercredi se concluent trois journées de réquisitions à l’encontre des 50 coaccusés de Dominique Pelicot. Place maintenant à la défense, avant le rendu du verdict au plus tard le 20 décembre
Après avoir requis des peines de 4 à 20 ans de prison contre les 51 accusés au procès des viols de Mazan, l’accusation s’est «tournée vers l’avenir» mercredi, espérant que le verdict attendu en décembre sera «un message d’espoir aux victimes de violences sexuelles».
«Par votre verdict, vous signifierez que le viol ordinaire n’existe pas, que le viol accidentel ou involontaire n’existe pas. Vous délivrerez un message d’espoir aux victimes de violences sexuelles», a insisté Laure Chabaud, l’une des deux représentantes du ministère public, en s’adressant à la cour criminelle de Vaucluse.
Sa prise de parole est venue conclure trois journées de réquisitions menées au pas de course à l’encontre des 50 coaccusés de Dominique Pelicot, contre lesquels l’accusation a réclamé entre 4 et 18 ans de réclusion criminelle. Pour Dominique Pelicot, qui a eu 72 ans ce mercredi, la peine maximale de 20 années de réclusion avait été requise lundi.
Avant de céder la parole aux avocats de la défense, qui s’exprimeront à partir de 14h00 - avec en ouverture la plaidoirie de Me Béatrice Zavarro pour Dominique Pelicot -, l’autre avocat général, Jean-François Mayet, avait achevé les réquisitions contre les accusés, allées crescendo depuis lundi.
En moins d’une heure, il a d’abord requis 16 ans de réclusion à l’encontre de Jérôme V., 46 ans (venu six fois à Mazan), 17 ans contre Dominique D., 45 ans (venu six fois lui aussi), et 17 ans contre Mohamed R., un retraité de 70 ans déjà condamné pour viol aggravé.
«Dix-sept ans de réclusion criminelle, on n’est qu’à trois ans de Dominique Pelicot, alors qu’en réalité, il n’est concerné que pour quelques minutes dans la vie de Dominique Pelicot. C’est une disproportion totale», s’est insurgé l’avocat de Mohamed R., selon qui «la justice, ce n’est pas la vengeance».
Enfin, une peine de 18 ans a été requise contre Romain V., retraité venu lui aussi six fois à Mazan. Rejetant toute responsabilité sur Dominique Pelicot, il avait expliqué être à la recherche de «lien social».
Ces réquisitions, sensiblement plus sévères que la moyenne générale des condamnations pour viols en France, qui était de 11,1 ans en 2022, avaient déjà été qualifiées lundi d'«ahurissantes» et de «hors de proportion» par d’autres avocats de la défense, qui ont reproché au parquet d’avoir requis sous l’influence de «l’opinion publique».
Pendant dix ans, de juillet 2011 à octobre 2020, elle avait été droguée à son insu par son désormais ex-mari, Dominique Pelicot, qui la violait et la livrait à des dizaines d’hommes recrutés sur internet.
«Par votre verdict, vous signifierez aux femmes de ce pays qu’il n’y a pas de fatalité à subir, et aux hommes de ce pays pas de fatalité à agir. Vous nous guiderez dans l’éducation de nos fils, car c’est par l’éducation que s’impulsera le changement», a déclaré Laure Chabaud.
«Vous rendrez une part de son humanité volée à Gisèle Pelicot», a-t-elle ajouté, face à la septuagénaire, devenue une icône de la cause féministe depuis sa décision de refuser le huis clos au premier jour de ce procès hors norme, le 23 septembre, à Avignon.
«Il y aura un avant et un après» procès des viols de Mazan, a en tout cas espéré la procureure, une formule qu’elle avait écrite, a-t-elle précisé, «avant» qu’elle soit utilisée lundi par le premier ministre Michel Barnier.
Laure Chabaud a de même souhaité que les peines qui seront prononcées lors du verdict, prévu au plus tard le 20 décembre, conduiront les accusés à «une prise de conscience réelle et profonde» de leurs actes, «notamment sur la notion de consentement».
La magistrate a en revanche regretté que durant ces 12 semaines de débats il se soit «parfois dégagé de cette salle une communion dérangeante entre les accusés, menant à une décontraction inappropriée».
De même elle a fustigé la «formule magique» de plusieurs accusés, qui ont répété «n’avoir pas eu l’intention» de violer Gisèle Pelicot, «pour faire disparaître leur responsabilité»: «Sachez messieurs que les formules magiques ne fonctionnent pas dans les enceintes judiciaires», a-t-elle asséné.
L’avocate générale a enfin espéré que «l’ampleur du combat qui doit être mené» amène à «une prise de conscience collective, sociétale»: «Ce procès est une pierre à l’édifice que d’autres après nous continueront à construire. Ce procès est un pas sur le long et sinueux chemin de la reconstruction», a-t-elle conclu.
Du côté des parties civiles, Gisèle Pelicot s’est elle abstenue de toute prise de position après ce réquisitoire: «Il est important que le processus judiciaire soit respecté et madame Pelicot y tient particulièrement, c’est pourquoi elle ne formulera aucun commentaire sur les peines, aucun commentaire, aucun avis sur ces réquisitions», a réagi à sa sortie de l’audience l’un de ses deux avocats, Me Stéphane Babonneau.