Après trois décennies d’absence, le maître espagnol Victor Erice revient avec «Fermer les yeux», un magnifique film testamentaire s’il en fut jamais

«Triste-le-Roy, 1947». Le film s’ouvre sur cette inscription et les amateurs de Jorge Luis Borgès sauront aussitôt à quoi s’en tenir avec ce début qui voit un homme arriver dans la belle demeure isolée d’un vieux juif fortuné et accepter la mission de retrouver sa fille, restée avec sa mère à Shanghai. Bien sûr, tout ceci n’est que pure fiction, ramenée sur le terrain du cinéma via un clin d’œil non moins explicite au Shanghai de Josef von Sternberg (1941). Et si ces références vous paraissent par trop ésotériques, l’image (tournée en 16 mm) trop sombre et pas assez nette, les plans séquences longs et bavards, il y a de fortes chances que Fermer les yeux ne soit pas un film pour vous.

Après tout, ce n’est là que la rêverie d’un vieux cinéaste aussi culte que cultivé: l’Espagnol Victor Erice, 83 ans, auteur jusque-là de seulement trois longs métrages révérés par les plus cinéphiles, L’Esprit de la ruche (1973), Le Sud (1983) et Le Songe de la lumière (1992). A moins que ne s’ouvre à lui une seconde carrière à la manière du Portugais Manoel de Oliveira, disparu à 106 ans, ce pourrait aussi bien être la dernière, vu son rythme de travail. Tout cela pour dire que l’âge joue un rôle important dans cette histoire, de même que le temps «perdu».

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