Les pays développés ont confirmé leur engagement de 300 milliards de dollars par année pour la transition écologique, somme bien en dessous des premières estimations

300 milliards de dollars par an: les pays développés se sont engagés samedi à Bakou à davantage financer les pays pauvres menacés par le changement climatique, au terme d’une chaotique conférence de l’ONU à Bakou, dont le monde en développement repart furieux.

Le financement promis pour 2035 «est trop faible, trop tardif et trop ambigu», a regretté le Kényan Ali Mohamed, parlant au nom du groupe africain. Son homologue du Malawi, représentant les 45 pays les plus pauvres de la planète, Evans Njewa, a dénoncé un accord «pas ambitieux».

«Le montant proposé est lamentablement faible. C’est dérisoire», a dénoncé la déléguée indienne Chandni Raina en éreintant la présidence azerbaïdjanaise de la COP29.

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Au moins 300 milliards de dollars d’ici à 2035

Cet engagement financier de pays européens, des Etats-Unis, du Canada, de l’Australie, du Japon et de la Nouvelle-Zélande, sous l’égide de l’ONU, est d’augmenter de 100 milliards aujourd’hui à «au moins 300 milliards de dollars» annuels d’ici 2035 leurs prêts et dons aux pays en développement.

Pendant la conférence finale, Bakou, 23 novembre 2024. — © IMAGO/Dominika Zarzycka / IMAGO/ZUMA Press Wire
Pendant la conférence finale, Bakou, 23 novembre 2024. — © IMAGO/Dominika Zarzycka / IMAGO/ZUMA Press Wire

De l’argent pour s’adapter aux inondations, aux canicules et aux sécheresses. Mais aussi pour investir dans les énergies bas carbone au lieu de développer leurs économies en brûlant du charbon et du pétrole, comme les pays occidentaux l’ont fait pendant plus d’un siècle.

Les petits Etats insulaires ont regretté «le manque de volonté de répondre aux besoins des pays en développement vulnérables», par la voix du Samoan Cedric Schuster, une nouvelle fois déçu d’un processus multilatéral auquel il s’est toutefois dit attaché.

L’amertume peu avant la fin de la conférence, samedi: Des ONG appellent les pays en développement à quitter la COP29 sans accord

La Suisse parle d’un «succès»

Les Occidentaux dont les Européens, premiers bailleurs mondiaux de finance pour le climat, n’étaient pas prêts à aller au-delà de ce montant, en période de resserrement budgétaire et de secousses politiques. Mais estiment avoir contribué à un résultat historique. Felix Wertli, chef de la délégation suisse, parle d’un «succès», a-t-il déclaré par téléphone à l’agence de presse ATS.

Le commissaire européen chargé des négociations sur le climat Wopke Hoekstra a toutefois émis des regrets: les Européens auraient «aimé voir plus d’ambition» sur la baisse des gaz à effet de serre dans tous les pays. Le renvoi de ce débat à l’année prochaine «est un échec», a estimé Kévin Magron, ambassadeur français pour le climat.

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Une «montagne de travail»

Mais l’accord de la COP29, scellé pendant la seconde nuit de prolongation d’une conférence commencée le 11 novembre, laisse un goût amer à de nombreux participants. Les pays les plus pauvres de la planète et les îles du Pacifique, des Caraïbes ou d’Afrique demandaient le double ou plus. Et il a été adopté à près de 3h du matin après d’épuisantes tractations et rebondissements.

«Aucun pays n’a obtenu tout ce qu’il voulait, et nous quittons Bakou avec une montagne de travail à accomplir. Ce n’est donc pas l’heure de crier victoire», a déclaré le chef de l’ONU Climat, Simon Stiell.

Pluie de critiques concernant L’Azerbaïdjan

L’Azerbaïdjan s’était battue pour décrocher l’organisation de la conférence, le plus grand événement international organisé par le pays, face à l’Arménie. Mais les déclarations de son président contre la France, les arrestations de militants environnementaux et le harcèlement de parlementaires américains à Bakou ont alourdi l’atmosphère.

Sa gestion des négociations est sévèrement jugée. L’Allemagne lui a reproché sa proximité avec des pays pétroliers, et les délégués de dizaines de pays en développement ont claqué la porte d’une réunion samedi, estimant n’avoir pas été pleinement consultés. Bakou fut une «expérience douloureuse», a dit Marina Silva, la ministre de l’Environnement du Brésil, qui accueillera la prochaine COP dans un an.

Autre couac: l’un des autres textes prévus pour adoption ici, censé approfondir la sortie des énergies fossiles lancée par la COP28 de Dubaï, n’a pas pu être adopté.

«Les gens doutaient que l’Azerbaïdjan puisse réussir. Ils doutaient que tout le monde puisse s’accorder. Ils ont eu tort sur les deux comptes», a pourtant déclaré en conclusion le président de la COP29, Moukhtar Babaïev, ministre et ancien cadre de la compagnie pétrolière nationale, Socar.

Un bras de fer sur les fossiles

L’arrière-plan inédit de cette 29e COP était une année 2024 qui sera vraisemblablement la plus chaude jamais mesurée. Et, neuf ans après l’accord de Paris, qui vise à limiter à 1,5 degré le réchauffement de la planète par rapport à l’ère préindustrielle, l’humanité va encore brûler plus de pétrole, de gaz et de charbon que l’année passée.

En deux semaines de réunions en Azerbaïdjan, des tempêtes ont tué des Philippines au Honduras, l’Espagne panse ses plaies après des inondations meurtrières, l’Equateur a déclaré l’urgence nationale à cause de la sécheresse et des incendies…

A l'heure de la fin, 23 novembre 2024. — © IMAGO/Dominika Zarzycka / IMAGO/ZUMA Press Wire
A l'heure de la fin, 23 novembre 2024. — © IMAGO/Dominika Zarzycka / IMAGO/ZUMA Press Wire

La déception était anticipée depuis plusieurs jours, ce qui n’a pas atténué les réactions des ONG, très négatives pour la plupart. «Le résultat offre de faux espoirs à ceux qui subissent déjà le poids des catastrophes climatiques», estime Harjeet Singh, militant de l’initiative pour un traité de non-prolifération des fossiles.

Au moins, «le multilatéralisme est vivant»

L’accord de Bakou «n’est pas aussi ambitieux que le moment l’exige», a estimé Laurence Tubiana, architecte de l’accord de Paris, qui a quand même relevé un motif de satisfaction: «Le multilatéralisme est vivant et plus nécessaire que jamais».

Felix Wertli, chef de la délégation suisse, s’est aussi montré déçu. La délégation suisse aurait souhaité que la conférence délivre un message plus fort sur l’engagement en faveur de l’objectif climatique d’un réchauffement limité à 1,5 degré. Pendant la COP29, le conseiller fédéral Albert Rösti avait réaffirmé l’objectif climatique de l’Accord de Paris.

A ce sujet: Albert Rösti à la COP29 à Bakou: «La Suisse contribue déjà plus qu’elle ne le devrait»